Le 1er octobre 2024 marque le 75e anniversaire de la glorieuse révolution chinoise. Pendant 27 ans, sous la direction du président Mao Zedong, la Chine socialiste a incarné l’espoir de la libération pour le prolétariat et les peuples opprimés. Le fait que ce pays soit maintenant devenu une superpuissance impérialiste ennemie des peuples du monde ne nous interdit aucunement de célébrer les accomplissements des révolutionnaires maoïstes. Il y a 25 ans, le 1er octobre 1999, le journal Le Drapeau rouge a tenu une célébration, à Montréal, pour souligner le 50e anniversaire de cet événement marquant du 20e siècle. L’essentiel de l’intervention qui a alors été faite a par la suite été présenté dans les pages de la revue Socialisme Maintenant! (n° 5), alors publiée par le groupe Action socialiste. Nous en reprenons ici l’intégralité.
Le Bureau d’information politique / Maison Norman Bethune
* * *
Il y a 50 ans aujourd’hui, des millions de personnes en liesse réunies sur la célèbre Place Tienanmen à Pékin ont entendu Mao Tsé-toung proclamer officiellement la fondation de la République populaire de Chine. «Le peuple chinois est debout!», a-t-il lancé avec fierté: «La Chine ne se laissera plus insulter». Trente-deux ans après la Révolution d’Octobre en Russie, le triomphe des communistes chinois représentait sans aucun doute le deuxième plus grand coup à avoir jamais été porté au système capitaliste mondial. Imaginez! Du coup, plus du quart de l’humanité venait de se débarrasser du féodalisme et de la domination impérialiste et entreprenait la tâche de construire une société nouvelle, dans un mouvement de lutte ininterrompu allant vers le socialisme et le communisme.
La Révolution d’Octobre 1917 avait inauguré ce qu’on a appelé l’ère de la révolution prolétarienne mondiale. Après une période tumultueuse et somme toute assez difficile pour le prolétariat et les peuples du monde – marquée notamment par la défaite de la révolution allemande, la montée du fascisme et le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale –, la victoire des communistes chinois a relancé de manière spectaculaire le mouvement révolutionnaire, ramenant à nouveau l’espoir parmi les prolétaires de tous les pays et stimulant le mouvement de libération nationale dans les pays dominés par l’impérialisme.
Une révolution attendue de longue date
Mais le peuple chinois revenait de loin, de très loin même. Sans vouloir trop insister là-dessus, il faut quand même se rappeler de ce qu’était la Chine avant la révolution de 1949: à savoir un pays divisé, soumis à la domination des puissances étrangères qui se sont succédées pour le subjuguer, ou qui l’ont fait quelques fois en même temps, se partageant le pays en morceaux; parmi elles, le Portugal, l’Italie, la France, l’Angleterre, l’Allemagne, le Japon bien sûr, puis finalement les États-Unis.
Il faut se souvenir aussi de ce qu’était la situation abominable du peuple chinois lui-même, soumis à l’exploitation féroce des seigneurs de guerre – des féodaux alliés aux puissances étrangères –, aux idées les plus réactionnaires et à la misère la plus abjecte. Un peuple, faut-il ajouter, qui n’avait pourtant jamais cessé de résister, et dont les nombreuses révoltes ont marqué tout le XIXe et le début du XXe siècle. C’est fort de ces expériences monumentales, quoique tragiques – notamment l’écrasement de la révolution démocratique dirigée par le Guomindang de Sun Yat-sen en 1913 –, et en s’emparant du marxisme-léninisme que les communistes chinois, dont le parti avait été fondé le 30 juin 1921, ont pu élaborer la stratégie qui devait finalement s’avérer victorieuse.
Mao Tsé-toung, qui en fut un des fondateurs, a d’abord procédé à une analyse scientifique de la société chinoise. On retrouve cette analyse dans les premiers textes qu’il a publiés, notamment l’Analyse des classes de la société chinoise et le Rapport sur l’enquête menée dans le Hounan à propos du mouvement paysan. Rompant avec les conceptions de la bourgeoisie nationale, et aussi avec celles de certains communistes qui misaient d’abord et avant tout sur l’intelligentsia et sur le développement d’insurrections dans les villes, Mao avait compris le rôle central que devait jouer la paysannerie, et surtout la paysannerie pauvre, dans la lutte révolutionnaire. Pour lui, il était clair que la révolution n’allait pouvoir triompher sans la participation et la mobilisation des masses les plus larges.
Partant de là, Mao a su tracer les objectifs de la révolution chinoise. Il a établi clairement le lien entre les tâches démocratiques qui devaient être réalisées (telles la réforme agraire, la conquête de l’indépendance nationale et son corollaire, l’unification du pays) et les tâches socialistes encore à venir — un lien qu’il a systématisé dans le concept de «révolution de démocratie nouvelle». Mao a également développé les principes et la stratégie de la guerre populaire prolongée, grâce à laquelle l’Armée rouge a pu vaincre, à toutes les étapes, des armées souvent bien plus nombreuses et toujours mieux équipées – qu’il s’agisse des armées locales dirigées par les féodaux, de l’armée japonaise qu’elle a réussi à repousser alors que les nationalistes du Guomindang n’arrivaient pas à le faire, puis finalement l’armée nationaliste elle-même qui était pourtant soutenue militairement par les États-Unis.
Mais nul doute que la bataille n’a pas été facile. On peut rappeler à cet égard cette fameuse «Longue Marche», commencée en 1934 après quelques défaites militaires bien senties: les combattantes et combattants de l’Armée rouge ont alors marché près de 10 000 kilomètres, en un an, perdant en cours de route plus de 70 p. 100 de leurs effectifs. Cette manoeuvre avait été rendue nécessaire pour préserver non seulement l’existence de l’Armée rouge mais aussi celle du parti, qui autrement auraient été tous deux anéantis. C’est aussi grâce à la Longue Marche qu’on a pu éventuellement constituer une base d’appui, dans la province de Shaanxi, à partir de laquelle la guerre populaire a pu ensuite s’étendre jusqu’à embraser tout le pays.
Mais si les masses de Chine ont eu à faire face à énormément de répression tout au long de la lutte révolutionnaire, elles ont aussi dû combattre d’importantes erreurs qui s’étaient développées au sein même du parti qui les dirigeait: un parti qui a d’abord gravement sous-estimé le rôle de la paysannerie, avant que Mao ne réussisse à le gagner à sa position là-dessus; un parti qui a également payé très cher sa soumission au Guomindang et à la bourgeoisie nationale (une position qui était soutenue par l’Internationale et qui devait s’avérer désastreuse politiquement et militairement). Pas à pas, étape par étape, Mao a combattu ces erreurs et amené le Parti communiste de Chine à les rectifier. Alors, c’est donc un peu tout ça, finalement – la résistance populaire, la lutte de lignes, la clarification politique, la méthode scientifique utilisée par Mao et les communistes chinois, et aussi une conjoncture plutôt favorable – qui a rendu la victoire possible en 1949.
Le début d’une lutte prolongée
Pour autant, la victoire de 1949 ne signifiait pas la fin de la révolution; en fait, elle n’en marquait que le début. Octobre 1949 fut le point de départ d’une nouvelle lutte, elle aussi prolongée, entre ceux qui, en définitive, étaient prêts à se satisfaire des transformations déjà opérées à travers la lutte révolutionnaire – lesquelles se trouvaient à avoir été consolidées avec la prise du pouvoir (par exemple la réforme agraire et l’atteinte de l’indépendance nationale) – et ceux qui, tel Mao, voulaient poursuivre et approfondir la révolution, bref passer à une étape supérieure. Ces deux points de vue, qui sont rapidement entrés en opposition, reflétaient en fait les intérêts divergents des différentes classes qui avaient participé conjointement à la première étape de la révolution, alors que leurs objectifs se rejoignaient: d’un côté la bourgeoisie nationale, pour qui la réalisation des tâches démocratiques de la révolution était nécessaire à son éventuel épanouissement; de l’autre le prolétariat révolutionnaire et les masses paysannes opprimées, pour qui la libération authentique impliquait nécessairement d’aller plus loin.
Essentiellement, on peut dire que Mao n’a d’ailleurs jamais vu la révolution comme étant quelque chose de statique, dont le triomphe aurait dû marquer l’arrêt; elle était pour lui un mouvement ininterrompu, un processus dialectique fait d’avancées et de reculs. Les grandes luttes d’avant 1949, qui ont pourtant été nombreuses, n’étaient donc rien à comparer à ce qui allait suivre… Sans rien précipiter, Mao a toujours voulu s’assurer que le mouvement progresse, étape par étape, bond par bond.
Pour Mao, la contradiction principale en Chine, dès lors qu’il s’agissait d’entreprendre la construction du socialisme, opposait dorénavant le prolétariat à la bourgeoisie, ancienne et nouvelle. À l’époque, la conception dominante en Chine, et généralement même au sein du mouvement communiste international, était que la contradiction principale à laquelle on faisait face à l’étape du socialisme opposait d’une part l’existence d’un système socialiste avancé au niveau politique, et d’autre part le faible niveau de développement des forces productives, qui empêchait de satisfaire pleinement les besoins matériels des masses. Telle était la position défendue par ceux qu’on qualifiera éventuellement de révisionnistes, tels Liu Shaoqi et Deng Xiaoping.
Ceux-ci étaient présents en force à la tête du Parti communiste chinois au début des années 1950 et ils s’inspiraient ouvertement des idées de leurs homologues soviétiques, qui défendaient eux aussi des conceptions similaires. Alors que pour Mao, l’essentiel était de développer la lutte de classes, pour les révisionnistes, c’était de développer les forces productives, à tout prix. C’est ce que Deng devait exprimer si clairement avec sa célèbre formule: «Peu importe qu’un chat soit blanc ou noir, pourvu qu’il attrape les souris.» Deng voulait ainsi signifier que pour lui, la ligne politique et le type de rapports sociaux qui étaient développés n’avaient pas d’importance et que seul le résultat comptait, à savoir le développement des forces productives.
Ce point de vue était d’ailleurs dominant au moment de la tenue du VIIIe congrès du parti, en 1956. C’est aussi à la même époque que le révisionnisme allait se voir consolidé en Union soviétique, avec l’émergence de Khrouchtchev et de ce qu’on a appelé la «déstalinisation». L’URSS, faut-il le rappeler, jouait alors un rôle très important en Chine avec l’«aide» matérielle considérable qu’elle apportait. Pour les nombreux conseillers soviétiques présents dans ce pays et leurs alliés à la tête du parti, la priorité devait aller au développement de l’industrie lourde et d’un productivisme à tout crin, même si cela devait se faire au détriment de la consolidation du pouvoir de la classe ouvrière. Ce qu’ils proposaient dans les faits, c’était d’accentuer la concurrence et les divisions parmi la classe ouvrière et les masses populaires. C’était de s’appuyer sur les stimulants matériels, de réimplanter le travail à la pièce et les systèmes de bonis, d’accentuer les différentiations salariales, et ainsi de suite – toutes mesures qui à leurs yeux pouvaient seules amener l’augmentation de la productivité.
Le point de vue de Mao était tout autre. Pour lui, il fallait d’abord maintenir et renforcer l’alliance avec la paysannerie, qui était toujours la classe la plus nombreuse en Chine. Cela impliquait donc de développer la petite industrie, et pas seulement l’industrie lourde, et surtout de s’assurer qu’un tel développement serve à soutenir le secteur agricole. Mao croyait profondément qu’il fallait continuer à s’appuyer sur les masses pour édifier le socialisme et pour le faire progresser. Il savait que c’était seulement dans la mesure où elles allaient être conscientes des enjeux qui se posaient qu’elles allaient pouvoir réellement s’impliquer et transformer la société. De là les initiatives qu’il a lancées ou favorisées, telles le Grand Bond en avant et l’établissement du système des communes populaires en 1957, le Mouvement d’éducation socialiste lancé au début des années 1960 et la grande lutte anti-révisionniste menée contre la direction du parti soviétique, qui participait elle aussi de la mobilisation des masses sur le terrain idéologique.
Mais à l’évidence, tout cela ne s’avérait pas suffisant. La droite relevait la tête constamment. Elle s’appuyait notamment sur les difficultés du Grand Bond, victime de désastres naturels, du retrait de l’aide soviétique et aussi du sabotage dans sa mise en application. Elle remettait en question les transformations socialistes déjà opérées et les campagnes politiques menées par Mao. Partant de là, celui-ci a compris qu’il faudrait faire encore plus pour vaincre la bourgeoisie et assurer la progression du socialisme, bref qu’il faudrait une «nouvelle révolution». Ce fut alors la Grande Révolution culturelle prolétarienne (GRCP), sur laquelle nous allons maintenant nous attarder.
Une «révolution dans la révolution»
Après une décennie complète faite de consolidation du révisionnisme et de capitulation face à l’impérialisme US de la part des leaders de l’Union soviétique, la Révolution culturelle, si décriée à l’époque et plus encore aujourd’hui, a vraiment eu pour effet de remettre la révolution à l’ordre du jour. Elle a montré de manière non équivoque que la révolution ne devait pas obligatoirement se terminer par une défaite et que la restauration du capitalisme n’était pas l’aboutissement inévitable de la révolution socialiste. Elle a aussi prouvé qu’en mobilisant les masses et en les armant de l’idéologie prolétarienne, les vieux rapports d’exploitation et les idées réactionnaires pouvaient être renversés, et qu’il était bel et bien possible d’avancer sur la voie du communisme.
Une des leçons politiques les plus importantes que Mao nous a fait découvrir avec la GRCP, c’est que le quartier général de la bourgeoisie se retrouve à la tête même du parti, car c’est là où le pouvoir est concentré, là où on peut agir le plus efficacement sur l’orientation de la société. Il faut se rappeler que cette idée était alors quasiment une hérésie au sein du mouvement communiste international, en particulier pour les bonzes du PC d’Union soviétique qui se sont sentis visés par l’analyse de Mao, non sans raison d’ailleurs!
Mais plus encore que cette idée qu’on peut et même qu’on doit contester la direction du parti lorsqu’elle emprunte une voie erronée, ce que Mao nous a enseigné d’encore plus important avec la GRCP, c’est que l’existence de la nouvelle bourgeoisie a des bases au sein même de la société socialiste, qu’elle repose sur les contradictions qui la traversent réellement. Ce que Mao nous a montré, c’est que contrairement à ce qu’on avait surtout pensé jusque là, la bourgeoisie sous le socialisme, ce ne sont pas seulement les vestiges de l’ancienne société, de l’ancienne classe dominante qui a été dépossédée de son pouvoir; la bourgeoisie sous le socialisme, ce n’est pas non plus seulement qu’une «cinquième colonne» qui vient s’infiltrer au service de l’ennemi extérieur, des bourgeoisies étrangères; mais que c’est surtout une véritable classe qui se développe sur la base même des «tares» qui caractérisent la société socialiste: la persistance du «droit bourgeois», des divisions entre ville et campagne, entre ouvriers et paysans, entre travail manuel et travail intellectuel, entre dirigeants et dirigés-es.
De cette conception nouvelle et supérieure de ce qu’est réellement le socialisme découle donc ce qui doit être fait par le prolétariat révolutionnaire. Le socialisme n’est pas un mode de production achevé. C’est une période de transition, qui ne lui est utile, au prolétariat, que dans la mesure où elle contribue à restreindre toujours plus ce qui vient du mode de production antérieur et à poser petit à petit les conditions au passage à un mode supérieur (le communisme).
Soit dit en passant, le fait que la GRCP n’ait finalement pas réussi à empêcher la réalisation du coup d’État réactionnaire mené par les partisans de Deng Xiaoping en 1976 n’altère en rien sa validité. Au contraire, cet événement – le coup d’État – et la restauration du capitalisme qui s’en est suivie prouvent qu’elle était d’autant plus nécessaire, et même qu’il en aurait fallu et qu’il en faudra encore d’autres à l’avenir. Mao l’avait d’ailleurs prédit, dès le départ, en 1967: «La Grande Révolution culturelle prolétarienne actuelle n’est que la première du genre. Dans l’avenir, de telles révolutions auront lieu nécessairement à plusieurs reprises. […] Tous les membres du Parti et la population doivent se garder de croire […] que tout ira bien après une, deux, trois ou quatre révolutions culturelles.»1
Ce qu’il faut retenir de la Révolution culturelle, c’est que le socialisme, ce n’est pas seulement – ni même d’abord et avant tout – la transformation du système de propriété, c.-à-d. les nationalisations et l’appropriation des moyens de production par l’État. Le socialisme, c’est aussi la transformation et la révolutionnarisation de toute la superstructure: les institutions politiques, l’éducation, la culture, l’idéologie. C’est une bataille constante pour renverser la pyramide sociale, pour faire en sorte qu’ultimement, le prolétariat et les classes révolutionnaires (c.-à-d. «ceux d’en bas») deviennent les vrais maîtres de la société.
Pour Mao, la Révolution culturelle était un moyen non seulement de barrer la route aux partisans du capitalisme qu’on retrouvait au sein du parti, mais surtout de transformer les rapports sociaux sur la base desquels la nouvelle classe bourgeoise se développait. Dans un discours prononcé devant une délégation militaire albanaise en 1967, Mao s’en était expliqué clairement: «La lutte contre ceux qui sont au pouvoir et qui suivent la voie capitaliste est la tâche principale, mais ce n’est d’aucune façon l’objectif. L’objectif, c’est de résoudre le problème de la conception du monde; c’est d’éradiquer les racines du révisionnisme.» (cité dans People’s China, Milton and Schurman ed., pp. 263-264, notre traduction)
Les 10 ans qui ébranlèrent le monde
Le coup d’envoi de la Révolution culturelle a officiellement été donné en 1965 par la publication d’un article de Yao Wenyuan, que Mao a soutenu et popularisé, qui critiquait une pièce de théâtre intitulée «La destitution de Hai Rui». Cette pièce se portait en fait à la défense de Peng Dehuai, ex-ministre de la Défense connu pour ses positions droitières, qui avait été démis de ses fonctions en 1959. Les révisionnistes se sont d’abord défendus en tentant de contenir la lutte uniquement sur le terrain culturel.
En mai 1966, Mao, qui venait de gagner une courte majorité au Comité central du parti, fait adopter une circulaire qui donne véritablement le signal du déferlement révolutionnaire. Parmi les idées fortes qu’on y retrouvait, soulignons celles-ci: 1) qu’il y avait un réel danger de restauration capitaliste et que ce danger provenait de la bourgeoisie au sein du parti; 2) que la lutte contre la bourgeoisie devait être poursuivie de manière prolongée tout au long de la période du socialisme; 3) que la mobilisation des masses était en tout temps nécessaire et qu’il fallait impérativement s’appuyer sur elles pour combattre les tentatives de restauration.
Cette idée de Mao comme quoi il fallait systématiquement mobiliser les masses et s’appuyer sur elles est sans doute une de celles qui ont été les plus dénigrées par la bourgeoisie, autant en Chine qu’à l’étranger. Encore aujourd’hui, on répète un peu partout que Mao a été une sorte d’apprenti sorcier qui a voulu délibérément créer le chaos. Dans un sens, c’est vrai! Mais c’est ce qui était nécessaire pour barrer la route aux partisans du capitalisme. Mao ne s’en est d’ailleurs jamais caché, comme en témoignent ces propos qu’il a tenus en juillet 1967: «On ne doit pas craindre les troubles: plus il y en a, mieux c’est. Avec sept ou huit troubles successifs, les choses ne peuvent manquer de se résoudre, et efficacement. […] Mais il ne faut pas utiliser les armes à feu, c’est toujours mauvais.»
Un tel point de vue n’est bien sûr pas admissible par ceux qui croient qu’une révolution suit toujours une trajectoire droite, prévisible et contrôlée, comme c’est le cas des trotskistes. Que dans ce cadre il y ait eu quelques excès et des erreurs au cours de la GRCP, cela ne fait pas de doute. Mais il est encore plus certain que sans ce «chaos» et sans ces «troubles», il y aurait eu inévitablement une défaite rapide du socialisme et le triomphe du capitalisme et des forces les plus réactionnaires.
Tout cela a donc commencé, on l’a dit, sur le front culturel. Puis, le mouvement a pris un caractère de masse lorsqu’il s’est étendu chez les jeunes et les étudiants. Mais pour Mao, ce n’était là qu’un point de départ. Comme il devait par la suite l’expliquer, «les intellectuels révolutionnaires et les jeunes étudiants furent les premiers à prendre conscience, ce qui correspond aux lois du développement de la révolution». Toutefois, «ce n’est qu’une fois que les larges masses ouvrières et paysannes seront dressées que toute la camelote bourgeoise sera radicalement balayée, tandis que les intellectuels révolutionnaires et les jeunes étudiants reprendront une place secondaire».
Avec l’entrée en scène de la jeunesse et des étudiants, la Révolution culturelle a vraiment pris son envol. Les débats se sont multipliés, les fameux dazibaos (ces immenses affiches à grands caractères) sont apparus un peu partout. Mao lui-même a alors signé son propre dazibao, qui affichait le titre fort suggestif de «Feu sur le quartier général!». Pour donner une petite idée de l’ampleur du mouvement, on peut mentionner le cas de l’Université de Pékin, où en une semaine seulement, pas moins de 100 000 dazibaos ont été affichés, pour une population totale de 10 000 étudiantes et étudiants. L’encre et le papier étaient fournis gratuitement à quiconque en faisait la demande. Des journaux de toutes sortes sont aussi apparus et ont circulé à des milliers d’exemplaires, qui reprenaient le contenu des meilleurs dazibaos.
De la critique systématique des points de vue droitiers, on est ensuite passé à la transformation des rapports sociaux. De nouvelles organisations révolutionnaires ont été créées, de nouveaux organes dirigeants ont été établis. Des expériences de type «commune» ont été mises en place, des comités révolutionnaires nouvellement formés ont pris le pouvoir dans les municipalités, les écoles, les entreprises. Fin 1966-début 1967, le mouvement s’étendait enfin à la classe ouvrière et sortait des villes pour aller à la campagne (le transport par train était d’ailleurs fourni gratuitement aux «gardes rouges» qui souhaitaient se déplacer, dont l’hébergement était pris en charge par l’armée).
Une des caractéristiques les plus fortes du mouvement, c’est qu’on a permis, voire systématiquement encouragé l’expression de tous les points de vue, tout en tentant autant que possible de préserver l’existence et le bon fonctionnement du parti et de l’État – ce qui ne fut d’ailleurs pas toujours évident! Attardons-nous un peu sur la Décision du Comité central du Parti communiste chinois sur la Grande révolution culturelle prolétarienne, datée du 8 août 1966, afin de voir à quel point les conceptions des révolutionnaires maoïstes tranchaient avec une certaine vision sclérosée du marxisme-léninisme qui avait alors cours au sein du mouvement:
«Il faut faire une stricte distinction entre les deux sortes de contradictions de nature différente: les contradictions au sein du peuple ne doivent pas être traitées de la même façon que celles qui nous opposent à nos ennemis, tout comme les contradictions entre nos ennemis et nous-mêmes ne doivent pas être considérées comme des contradictions au sein du peuple. Il est normal qu’il y ait des opinions différentes parmi les masses populaires. La confrontation de différentes opinions est inévitable, nécessaire et bénéfique. […] La méthode de raisonner avec faits à l’appui et celle de la persuasion par le raisonnement doivent être appliquées au cours du débat. Il n’est pas permis d’user de contrainte pour soumettre la minorité qui soutient des vues différentes. La minorité doit être protégée, parce que parfois la vérité est de son côté. […] Au cours du débat, chaque révolutionnaire doit savoir réfléchir indépendamment et développer cet esprit communiste qui est d’oser penser, d’oser parler et d’oser agir. […]»
Avec l’implication nouvelle et massive de la classe ouvrière, un moment fort est survenu à Shanghai, qui était traditionnellement un des bastions de la bourgeoisie en Chine mais où on retrouvait aussi une forte avant-garde prolétarienne: c’est ce qu’on a connu comme étant la «tempête de janvier» en 1967. La municipalité était alors contrôlée par la droite. Pendant que le mouvement de masse se développait ailleurs en Chine, les autorités municipales de Shanghai s’étaient mises à distribuer bonis, privilèges et augmentations de salaires à certains secteurs ouvriers, de façon à mieux diviser les forces prolétariennes. Parallèlement, elles encouragèrent les grèves et le sabotage de la production. Leur objectif était que les ouvriers, ou du moins certains secteurs parmi eux, se mettent à agir mais seulement pour eux-mêmes, et non pas dans l’optique de transformer la société et de la diriger collectivement. Le sabotage visait aussi objectivement à affaiblir la révolution, en accréditant l’idée que les «troubles» étaient nuisibles au développement économique.
En janvier 1967, donc, des millions d’ouvriers et de jeunes rebelles ont enfin réussi à renverser le comité municipal du PCC. Les masses ont occupé les principaux édifices administratifs, les journaux, les services publics. Un nouveau pouvoir fut établi, sous la forme de ce qu’on a appelé un «comité révolutionnaire de triple union», dont le tiers des membres provenaient des organisations de masse nouvellement créées dans le cadre de la Révolution culturelle; le deuxième tiers étant formé de cadres du parti et le troisième, de représentants de l’armée. Ce modèle a par la suite été généralisé à travers toute la Chine, avec toutefois plus ou moins de succès.
En 1968, sur la base de ces victoires, on assiste enfin à la destitution et à l’exclusion du «partisan numéro un de la voie capitaliste», Liu Shaoqi. Deng Xiaoping est lui aussi démis de ses fonctions. Une nouvelle génération de dirigeantes et de dirigeants se développe qui se sont aguerris-es dans les premières étapes de la Révolution culturelle. Ces nouveaux dirigeants viennent s’ajouter et renforcer les quelque 90 à 95 p. 100 des cadres qui sont jugés comme étant «fondamentalement bons». Parmi eux, on retrouve les plus fidèles compagnons d’armes de Mao, ceux que les révisionnistes attaqueront après sa mort en les affublant du sobriquet de «bande des quatre» et qui sont: Jiang Qing (l’épouse de Mao), Zhang Chunqiao, Wang Hongwen et Yao Wenyuan. Éventuellement, au IXe congrès du parti en 1969, 60 p. 100 du Comité central sera ainsi renouvelé.
Parallèlement à tous ces développements et à toutes ces mobilisations, on commence aussi à mettre en place ce qu’on appelle les «nouvelles choses socialistes»:
- Dans l’éducation, on s’attelle à la transformation des méthodes d’enseignement et des contenus de cours; les ouvriers sont amenés à s’impliquer à la direction des écoles. On cherche à raffermir les liens entre théorie et pratique: les étudiantes et étudiants sont invités à participer au travail productif à la campagne. De nouveaux critères de sélection sont mis en place qui tiennent compte non seulement des performances académiques des candidates et candidats mais aussi de leurs dispositions politiques; les frais de scolarité sont abolis; etc.
- Dans le domaine culturel, de nouvelles pratiques et de nouvelles œuvres sont aussi développées qui visent à servir le peuple. Ce travail, qui est habilement dirigé par Jiang Qing, a produit des oeuvres remarquables, telles les ballets intitulés Le détachement féminin rouge et La fille aux cheveux blancs.
- On assiste à la transformation du système de santé. Les services médicaux sont étendus à la campagne, là où ils étaient autrefois peu disponibles: c’est l’apparition des fameux «médecins aux pieds nus» qui apportent soins et éducation aux masses paysannes.
- Des «écoles de cadres» sont établies dans lesquelles ceux-ci sont appelés à participer à la production et à s’éduquer eux-mêmes au contact des paysannes et des paysans.
Mais encore là, la lutte n’est pas terminée. Elle porte désormais sur le maintien ou pas des acquis et des transformations qui ont été faites, et des verdicts qui ont été rendus. Lin Biao, ministre de la Défense et fidèle allié de Mao, en vient à défendre l’idée que la victoire est désormais définitivement acquise. Il propose de remettre l’accent sur le développement de la production et sur le retour à l’ordre. Son point de vue étant défait, Lin Biao tente un coup d’État qui échoue, puis meurt dans un accident d’avion alors qu’il tentait de s’enfuir en URSS.
Sa trahison place la gauche maoïste sur la défensive. Les centristes, que Mao avait jusque là réussi à neutraliser et même à utiliser à son avantage jusqu’à un certain point, sont maintenant appelés à jouer un rôle plus important. Sous leur influence, Deng Xiaoping est même réhabilité en 1973.
Bien sûr, officiellement, les acquis sont maintenus, la Révolution culturelle se poursuit. Mais petit à petit, les partisans du capitalisme reprennent leur place dans l’appareil du parti et celui de l’État.
Le contexte international est un autre facteur qu’utilisent les révisionnistes à leur avantage. La Chine se trouve de plus en plus menacée par l’Union soviétique, ce qui place objectivement les secteurs pro-américains dans une position favorable. C’est d’ailleurs à cette époque que Deng Xiaoping présente sa fameuse «théorie des trois mondes», de triste renommée, qui propose au prolétariat mondial de s’allier à l’impérialisme US pour s’opposer au social-impérialisme soviétique et qui s’avérera un des principaux facteurs dans l’effondrement du mouvement marxiste-léniniste international à la fin des années 1970.
Fidèles à leurs conceptions idéologiques et politiques, les maoïstes s’en remettent à nouveau à la mobilisation des masses pour contrer le «vent déviationniste de droite». Cette lutte, qui se déroulera de 1973 à 1976 et qui produira des avancées théoriques très importantes (notamment quant à la critique du «droit bourgeois» et à l’étude de la dictature du prolétariat), permettra de repousser l’offensive de la nouvelle bourgeoisie. Ainsi, Deng est à nouveau démis en avril 1976.2
Cette fois encore, les divergences entre les deux lignes se sont cristallisées sur les questions économiques. Le programme des «Quatre modernisations», attribué à Zhou Enlai, apparaît pour la première fois dans le décor. On y propose le retour à l’utilisation des stimulants matériels, l’abolition du travail à la campagne pour les étudiants, le démantèlement des écoles de cadres. Dans une de ses dernières interventions publiques, Mao déclare: «Vous faites la révolution socialiste et vous ne savez même pas où se trouve la bourgeoisie. Mais elle est directement à l’intérieur du parti communiste – ce sont ceux qui sont au pouvoir et qui suivent la voie du capitalisme. Les partisans du capitalisme sont encore sur la voie capitaliste.» (cité dans Peking Review n° 11, 12/03/76, notre traduction)
Après la mort de Mao en septembre 1976, le coup fatal sera donné avec l’arrestation de ses plus proches camarades, qui avaient aussi été les dirigeants les plus solides de la GRCP (la soi-disant «bande des quatre») et avec l’ignoble campagne, dénuée de tous principes, qui s’en est suivie. Contrairement à ce que certains ont pu penser, ce ne fut pas là seulement qu’une simple révolution de palais. Il y a eu d’importants mouvements d’opposition, à Shanghai notamment, et même des mouvements armés, qui ont malheureusement été réprimés et dont on n’a peu entendu parler à l’extérieur.
On a voulu laisser croire que les «quatre» étaient isolés et qu’ils n’avaient aucun soutien parmi les masses. Mais leur destitution et leur arrestation ont bel et bien eu toutes les caractéristiques d’un coup d’État. Dans l’éloge qu’il a écrit après la mort de Deng en 1997, Alain Peyrefitte, lui-même un chaud partisan de Deng et opposant notoire aux quatre, l’a admis à sa façon: «Personne n’a compté le nombre des partisans de la “bande des quatre” qui ont fini leurs jours avec une balle dans la nuque. Deng n’a jamais confondu pouvoir et mansuétude.» (La Presse, 22/02/97)
Au départ, les nouveaux dirigeants ont prétendu défendre l’héritage de Mao Tsé-toung. Puis, assez rapidement, ils ont fini par ne lui reconnaître un rôle positif que pour la période allant jusqu’en 1956 – ce qui, soit dit en passant, en dit long sur les intérêts de classe qu’ils représentent. Après la deuxième réhabilitation de Deng en 1978, on a également fini par décréter officiellement la fin de la GRCP, désormais qualifiée comme ayant été une période de «10 années noires», et par tout renverser ce qui ne l’avait pas déjà été. On sait maintenant ce qu’il en est advenu aujourd’hui.
Des acquis indispensables
Quand on regarde tout ce qui s’est passé en Chine depuis 20 ans — le développement du capitalisme sauvage, la réhabilitation du profit, le retour des valeurs traditionnelles obscurantistes, les différentiations sociales éhontées qui s’accentuent, le chômage qui se développe à nouveau, etc. –, on constate à quel point les tendances à la restauration capitaliste y étaient fortes et solides. Et on peut mesurer l’immense mérite qu’a eu la Révolution culturelle, grâce à laquelle le socialisme a pu se développer pendant dix ans de plus, malgré, justement, la force du capitalisme.
La Révolution culturelle est venue répondre en pratique à une des questions les plus importantes – sinon la plus importante – qui se pose pour l’avenir de la lutte pour le socialisme, à savoir comment on peut et on doit faire avancer la révolution après la prise du pouvoir. Elle constitue désormais un élément indispensable de notre compréhension de ce qu’est la lutte pour le communisme.
Évidemment, on peut se poser la question: la gauche maoïste a-t-elle commis des erreurs? Aurait-on pu éviter le coup d’État de 1976 et prolonger ainsi cette formidable expérience? Ce sont là des questions importantes, certes, qui pour nous restent d’ailleurs ouvertes. On peut se demander, par exemple, s’il n’aurait pas été préférable de liquider carrément un Deng Xiaoping, lorsqu’il a été démis une première fois en 1968, plutôt que de le laisser en vie et de lui donner ainsi la chance de revenir au pouvoir? Sachant ce que l’on sait maintenant, on est d’ailleurs porté à répondre oui à une telle question, mais encore là, il faut faire bien attention. Car comme l’a expliqué Mao, «on aura beau destituer [on pourrait même dire liquider] 2 000 partisans de la voie capitaliste durant cette grande Révolution culturelle, si on ne transforme pas notre conception du monde, il y en a 4 000 autres qui vont apparaître la prochaine fois. La lutte entre les deux classes, entre les deux lignes, ne peut être résolue avec une, deux, trois ou même quatre révolutions culturelles.» Deng Xiaoping a certes joué un rôle exceptionnel dans le processus de contre-révolution en Chine, mais si ce n’avait pas été lui, un autre aurait sans doute pris sa place, étant donné la nature profonde de la lutte qui s’est menée entre le prolétariat et la nouvelle bourgeoisie.
Ce qu’on doit surtout retenir de tout ça, ce sont bien sûr les faits marquants et héroïques de la révolution chinoise – et ils sont nombreux: la Longue Marche, Ya’nan, la prise du pouvoir, la Révolution culturelle elle-même, etc. Tout cela fait désormais partie de notre histoire. Il faut certes aussi vénérer ceux et celles qui l’ont dirigée, et aussi les dirigeants à qui elle a donné naissance: en premier lieu, Mao, bien sûr, mais aussi Jiang Qing et Zhang Chunqiao, qui ont persisté dans la voie révolutionnaire jusqu’à la toute fin, faisant preuve d’un courage tout à fait exemplaire. Mais surtout, il faut mettre au premier plan le maoïsme à la tête de la révolution mondiale, à la tête de la révolution au Canada.
Nous pouvons dire aujourd’hui qu’à la lumière de tout ce qui s’est produit dans l’histoire du mouvement communiste international et de ses 150 ans d’existence, on ne peut désormais plus se dire marxiste si on ne s’approprie pas réellement et si on ne défend pas systématiquement les avancées théoriques apportées par Mao alors qu’il dirigeait la révolution chinoise. Ne pas le faire, ce serait en rester – ou bien retourner pour certains – au vieux révisionnisme failli condamné par l’histoire.
Quels sont ces acquis, si importants, qui nous sont nécessaires et qui doivent nous guider pour l’avenir? Mentionnons-les rapidement:
- D’abord, il y a la stratégie de la guerre populaire prolongée: la participation des masses comme facteur décisif dans la guerre; le principe des bases d’appui et de leur utilisation pour commencer les transformations sociales avant même la prise du pouvoir; la direction du parti sur l’armée; «cette vérité toute simple que chaque communiste doit s’assimiler et qui est que le pouvoir est au bout du fusil» – une vérité que certains communistes n’ont d’ailleurs pas encore comprise même si les masses révolutionnaires, elles, n’ont jamais cessé de la mettre en pratique.
- La «démocratie nouvelle» comme stratégie révolutionnaire dans les pays opprimés.
- L’analyse des contradictions, du rapport entre théorie et pratique.
- Le concept de la «ligne de masse», basé sur le point de vue selon lequel «le peuple est la force motrice de l’histoire universelle».
- La lutte contre le révisionnisme moderne.
- Le principe d’oser lutter, oser vaincre, celui d’aller à contre-courant.
- Et, surtout, ce qui apparaît comme étant le principal apport de Mao: l’analyse du socialisme, des contradictions qui le traversent, de la lutte de classes qui se poursuit pendant cette période; la critique de la «théorie des forces productives»; l’importance de mener la lutte de lignes au sein du parti, de reconnaître le rôle et l’existence de la bourgeoisie au sein même du parti – tout ça concentré dans la nécessité de la Révolution culturelle qui fait désormais partie du programme de toute révolution qui se veut sérieuse.
Aujourd’hui, 1er octobre, se déroulent deux types de célébrations: celles de la bourgeoisie et celles du prolétariat. Même si la nôtre est plutôt humble, il faut en être fier. Il n’y a pas de mal à brandir le «petit livre rouge» – pourquoi pas? –, même si cela reste seulement symbolique. Mais ce qu’il faut surtout faire, on l’a dit, c’est d’appliquer tous ces acquis. Le mouvement révolutionnaire international semble plus faible aujourd’hui, en apparence du moins, que ce qu’il était dans les années 1960 et 1970. Mais là où il se développe présentement, c’est justement là où le maoïsme est appliqué. On le voit très bien au Pérou, aux Philippines, en Inde, au Népal, au Bangladesh, en Turquie, où se développe avec de plus en plus de force la guerre populaire.
La vérité, c’est qu’armé du maoïsme, le mouvement révolutionnaire est maintenant plus fort qu’il ne l’a jamais été. Il est certes encore en période de réorganisation, mais c’est lui qui est porteur d’espoir pour l’avenir, pendant que le vieux révisionnisme achève de capituler.
Dans les prochaines semaines et les prochains mois, notre organisation lancera une grande discussion au sein du prolétariat canadien sur ce que nous appelons «les bases urbaines du maoïsme», c.-à-d. comment le maoïsme s’applique dans un pays impérialiste, afin de définir quelle est la voie de la révolution au Canada. Des textes circuleront, des débats seront organisés un peu partout, dans les grandes villes, dans les milieux prolétariens, et dans le plus grand nombre de langues possible. Nous vous appelons à vous joindre à cette discussion, à l’organiser dans votre milieu, à y participer en grand nombre. Une discussion que nous souhaitons vivante et ouverte, à l’image du maoïsme lui-même, et qui nous permettra d’entreprendre le nouveau millénaire le plus rapidement possible avec un programme pour la révolution au Canada et avec une nouvelle organisation d’avant-garde pour la diriger. C’est à cette tâche, aujourd’hui, que nous vous convions. ✰
Vive le 50e anniversaire de la révolution chinoise!
Gloire éternelle au marxisme, au léninisme et maoïsme!
Vive la lutte révolutionnaire passée, présente et surtout à venir!
Le 1er octobre 1999
1 Sauf indication contraire, les citations de Mao sont extraites des deux tomes de l’Histoire de la révolution culturelle prolétarienne en Chine de Jean Daubier, publiés chez Maspero.
2 Sur toute la période de allant de 1973 à 1976, on peut lire l’article intitulé «Comment les révisionnistes ont renversé la ligne de Mao», ainsi que le fameux texte de Zhang Chunqiao, De la dictature intégrale sur la bourgeoisie (qu’on peut considérer aujourd’hui comme étant un classique du marxisme-léninisme), tous deux publiés dans SOCIALISME MAINTENANT! n° 1, printemps 1997.