Vote pas oui ! Révolte-toi contre les capitalistes !

À l’occasion du 30e anniversaire de la tenue du deuxième référendum sur la souveraineté du Québec organisé par le gouvernement péquiste le 30 octobre 1995, nous rediffusons l’appel du groupe Action socialiste publié dans le cadre de cet événement. Avant et pendant la campagne référendaire, Action socialiste a fait activement campagne sous le mot d’ordre « Vote pas oui ! Révolte-toi contre les capitalistes ! », se positionnant ainsi à contre-courant des tendances nationalistes et réformistes qui dominaient la gauche québécoise.

Alors que le PQ nous promet la tenue d’un troisième référendum (s’il réussit, au terme des prochaines élections, à former le prochain gouvernement), le projet d’indépendance qu’il porte demeure entièrement ancré dans les rouages du système capitaliste et impérialiste dominant et s’avérera de nouveau un piège et une fausse solution pour les travailleurs et les travailleuses.

Il va sans dire que le contexte, depuis le référendum de 1995, a évolué au Québec et au Canada, ce qui colore la lecture que nous pouvons faire de cette déclaration. Les camarades qui souhaitent connaître l’approche que nous défendons actuellement peuvent lire la section sur « les questions nationales au Canada » (paragraphes 33 à 41) du document intitulé « Les bases politiques du nouveau programme du Parti communiste révolutionnaire », disponible sur notre site Web.

Le Bureau d’information politique | Maison Norman Bethune

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Travailleurs, travailleuses,

Le 30 octobre prochain, le Parti québécois, sa succursale fédérale (le Bloc québécois) et leur allié de circonstance (l’Action démocratique de Mario Dumont) vont solliciter notre appui à leur projet de création d’un nouvel État indépendant au service de la bourgeoisie québécoise.

Leurs porte-parole font campagne depuis déjà quelques semaines en prétendant représenter le « camp du changement », contre le statu quo du camp du non. Mais attention ! Ce n’est là qu’un mensonge !

Car comme l’a si bien expliqué Jacques Parizeau au soir des dernières élections provinciales, tout ce que le PQ veut, finalement, c’est de faire du Québec un « pays normal », pareil aux autres, c.-à-d. un autre de ces pays où règne le pouvoir d’une minorité de profiteurs, un pays capitaliste à 100 %.

Pour essayer de gagner quand même notre appui le 30 octobre, le PQ tente actuellement de nous faire croire que son « projet de société » est différent de celui du camp du non, qu’un Québec indépendant serait « plus proche des gens » et un peu moins soumis aux « puissances de l’argent ». Il utilise pour ce faire les déclarations favorables au non de certains capitalistes tels Laurent Beaudoin ou Claude Garcia. Mais c’est là oublier bien vite que d’autres capitalistes tout aussi rapaces et détestables, les Pierre Péladeau, Serge Racine ou même le ministre des Finances Jean Campeau (ex-PDG de Domtar), se retrouvent totalement derrière le projet péquiste !

Quand Jacques Parizeau dénonce « la main de Power Corporation » qui se cache derrière le camp du non, il omet bien sûr de nous dire que son propre frère Robert, le président de Sodercan (un holding dans le domaine de l’assurance qui exploite 600 employés-es), siège lui-même au conseil de Power Corp !

Le Parti québécois n’est pas moins bourgeois que le Parti libéral du Québec ou que les grands partis fédéraux peuvent l’être. Il l’a d’ailleurs prouvé maintes et maintes fois par le passé, en particulier lorsqu’il a occupé le pouvoir de 1976 à 1985.

C’est alors lui, le PQ, qui a commencé à couper systématiquement les budgets, année après année, dans les domaines de la santé et de l’éducation. C’est lui qui fut le premier à interdire les grèves et à décréter unilatéralement les conditions de travail des syndiqués-es du secteur public en 1979. C’est lui qui, en janvier 1983, a adopté les pires lois antisyndicales de l’histoire du Québec, réduisant jusqu’à 20 % les salaires des employés-es de l’État (rappelons qu’à ce moment-là, le « négociateur-en-chef » du PQ s’appelait… Lucien Bouchard !). Et c’est aussi lui qui a persisté, malgré les luttes courageuses menées par les jeunes, à maintenir l’odieuse discrimination contre les assistés-es sociales et sociaux âgés-es de moins de 30 ans, à qui il n’allouait que 170 $ par mois pour survivre !

Depuis qu’il a repris le pouvoir, le PQ, occupé à préparer son référendum, a pris soin de ne pas adopter trop de mesures susceptibles de (re)dévoiler son véritable caractère. Mais on a tout de même eu la chance de voir ce qu’il en est vraiment avec les fermetures d’hôpitaux et les coupures budgétaires massives qu’il a choisi d’imposer dans les secteurs de la santé et de l’éducation.

Se pourrait-il comme certains le souhaitent, que le PQ change, une fois l’indépendance du Québec réalisée, et se transforme soudain en « ami des travailleurs » ? Le projet de loi n° 1 sur l’avenir du Québec, sur lequel on nous demande de nous prononcer le 30 octobre, nous en donne la réponse.

Celui-ci prévoit qu’au lendemain de la proclamation de la souveraineté, les lois et les politiques sociales canadiennes (y compris, donc, les coupures qu’on a commencé à y opérer) vont continuer tout simplement à s’appliquer ; que le Québec continuera à utiliser la monnaie canadienne ; qu’il tentera d’adhérer à l’accord de libre-échange entre le Canada, le Mexique et les États-Unis ; qu’il continuera à participer aux alliances militaires impérialistes agressives que sont l’OTAN et NORAD ; que les mêmes tribunaux, qui emprisonnent massivement les pauvres et les minorités, et les mêmes flics racistes, sexistes et pourris que l’on connaît vont continuer à faire régner « la loi et l’ordre » de la minorité de riches qui nous gouvernent.

Le Québec souverain souhaité et dirigé par le PQ sera un Québec unilingue, qui bafouera d’autant les droits linguistiques des minorités nationales opprimées. La défense absolue de son « intégrité territoriale », à laquelle le PQ s’est engagé sans doute plus clairement qu’il l’a fait pour quoi que ce soit d’autre, heurtera frontalement les exigences des nations autochtones qui veulent exercer leur droit pourtant légitime à l’autodétermination.

Bref, la seule différence qu’il pourrait y avoir entre le Québec de Jacques Parizeau et le Canada actuel, c’est que les travailleurs et travailleuses, dont les principaux dirigeants et les principales organisations sont actuellement complètement vendus au PQ, vont être encore plus mal équipés pour se défendre, eux et elles à qui on demandera de faire « encore un effort » et de se serrer un peu plus la ceinture pour assurer la compétitivité du Québec et la prospérité de « nos entreprises ».

Bien sûr, nous savons tous et toutes que le Canada actuel et le gouvernement fédéral en particulier ne valent pas mieux que le PQ et son projet d’indépendance. Il est vrai que dans la foulée du dernier budget Martin, Ottawa prépare en coulisses une importante réforme de l’assurance-chômage qui impliquera des reculs sans précédent pour les travailleurs, les travailleuses et les sans-emplois. Il est vrai qu’il existe actuellement au Canada un mouvement de fermeture des frontières et de restriction des droits des immigrantes et des immigrants. Il est vrai que les nations autochtones ne voient pas plus leurs droits reconnus ailleurs au Canada qu’au Québec. Mais croire que le PQ agirait autrement constitue une grave erreur !

Sur la question des programmes sociaux notamment, le PQ s’est déjà engagé, dans le cadre des fameuses études sur les coûts de la souveraineté commandées par le ministre Le Hir, à faire siennes les coupures annoncées au printemps dernier par le ministre fédéral des Finances. Les grandes envolées des ténors péquistes contre la réforme actuellement préparée par le ministre Axworthy, ça s’appellera la réforme Parizeau, la réforme Campeau ou la réforme Harel.

Partout à travers le Canada, la tendance à la liquidation des programmes sociaux est la même, autant aux niveaux fédéral et provincial. Et ce sera la même chose au Québec. Car fondamentalement, tous les gouvernements, celui de Parizeau autant que ceux de Ralph Klein en Alberta et de Mike Harris en Ontario, répondent aux même impératifs et se consacrent à défendre les mêmes intérêts : ceux des capitalistes qui dominent le pays.

Contre les tendances à la décentralisation des attaques anti-populaires et au morcellement des acquis ouvriers qui existe actuellement au Canada, la réponse ne se trouve pas dans la division comme le propose le PQ, mais plutôt dans le renforcement de l’unité de tous ceux et toutes celles qui n’ont rien à défendre dans ce système et qui ont tout à gagner à se battre pour le renverser : l’unité des exploités-es, des chômeurs, des chômeuses et des assistés-es sociales ; l’unité des prolétaires de toutes les nationalités et de toutes les couleurs, contre le racisme, le chauvinisme, le nationalisme et toutes les formes de discrimination ; l’unité, aussi, avec les nationalités opprimées, en particulier les autochtones, dans le respect de leur droit à l’autodétermination.

Travailleurs, travailleuses,

Face aux attaques auxquelles on fait face, il doit être clair qu’on ne s’en sortira pas sans lutte ! Jamais les Jacques Parizeau et Lucien Bouchard ne vont nous protéger de quelque façon que ce soit contre l’exploitation capitaliste. Voilà pourquoi nous, du groupe Action socialiste, disons : faites ce que vous voulez, votez non, annulez ou même restez chez vous le 30 octobre ; mais n’allez surtout pas voter oui et donner un chèque en blanc à cette bande de profiteurs !

Non au Québec des p’tis salaires, du racisme et de l’exclusion !

Oui à l’unité révolutionnaire du prolétariat dans la lutte pour renverser la bourgeoisie canadienne !

Le groupe Action socialiste
Le 9 octobre 1995