L’inflation au Canada s’est accélérée pour atteindre 7,7 % en mai 2022, la plus élevée depuis janvier 1983 et supérieure aux attentes du marché de 7,4 %. La principale pression à la hausse est venue des transports, de la nourriture et du logement, les sanctions occidentales en réponse aux attaques russes contre l’Ukraine continuant de faire monter les prix de l’énergie et des matières premières. Les coûts de transport ont bondi de 14,6 % (11,2 % en avril), soutenus par une hausse de 48 % des prix de l’essence (36,3 % en avril). Parallèlement, l’inflation alimentaire est restée la même à 8,8 %, portée par une hausse de 9,7 % des prix des produits d’épicerie. De plus, les prix des logements ont augmenté au même rythme de 7,4 %, alors que les prêts hypothécaires ont continué d’augmenter.
Depuis l’automne dernier, le prolétariat et les masses populaires du monde entier doivent affronter une hausse marquée des prix des biens de consommation en général, et des biens vitaux comme la nourriture et le logement en particulier. C’est ainsi qu’en quelques mois, par suite d’une série continue de hausses de prix, les prolétaires partout sur la planète, dont ceux du Québec et du Canada, se sont objectivement appauvris. Loin d’être une nouveauté, l’inflation est une composante permanente du capitalisme (par exemple de 1960 à 2021, le taux d’inflation moyen s’est situé à 3,8 % par an), qui accompagne les années de développement et de progression, tout comme les nombreux épisodes de récessions et de reculs que connaît régulièrement l’économie capitaliste.
Dès l’instant où l’inflation est devenue un phénomène chronique de l’économie capitaliste, elle n’a cessé d’attirer de plus en plus l’attention des économistes bourgeois. S’il y a plus d’un siècle l’économie politique bourgeoise traitait de ce phénomène sans guère s’y arrêter, il constitue maintenant un de ses problèmes centraux, auquel ont été consacré des milliers de travaux. Mais, comme pour tous les autres phénomènes économiques du capitalisme, l’économie politique bourgeoise s’en tient à l’aspect extérieur des choses, à la manifestation formelle de l’inflation, sans traiter le moins du monde du fondement de l’inflation et son caractère de classe. C’est d’ailleurs pourquoi l’économie politique bourgeoise se trompe souvent, comme lorsque la Banque centrale européenne (BCE) s’attendait à ce que « l’inflation ralentisse en 2022 ». Car selon la BCE, l’offre devait rattraper progressivement la demande et les marchés anticipaient une baisse des prix de l’énergie.
Il est vrai que l’économie mondiale a été perturbée pendant une période lorsque la pandémie est survenue il y a maintenant plus de deux ans. Pendant les fermetures pandémiques, l’inflation a été faible. Il est aussi vrai que l’offre de biens et services a, pendant les premiers mois de la pandémie, connu une baisse relative, directement en lien avec une baisse de la demande globale. Cependant, la demande a rapidement progressé et, une fois les mesures de confinement liées à la pandémie assouplies, on constate maintenant que c’est l’inflation qui ne cesse d’augmenter. Or, ce qui pourrait expliquer ce phénomène, l’économie politique bourgeoise traditionnelle n’en a aucune idée ! La preuve en est que depuis toujours, les économistes et politiciens bourgeois peinent à expliquer la source de l’inflation. Pire encore, la bourgeoisie traite du problème de l’inflation comme si chaque citoyen était placé dans la même situation, ce qui est loin d’être le cas. Ce faisant, l’économie politique bourgeoise occulte l’essence économique et de classe de l’inflation en tant que phénomène inhérent au fonctionnement du capitalisme et comme méthode d’exploitation supplémentaire des masses travailleuses. Faut-il souligner les conséquences relativement inégales de l’inflation : d’un côté, les ménages les moins aisés sont principalement touchés par la hausse des prix, car ils doivent endiguer la hausse des frais de subsistance avec des salaires relativement stagnants, tandis que de l’autre côté, les individus les plus aisés dans la société, particulièrement les plus fortunés, ont le luxe de maintenir leur train de vie, voire d’épargner et de continuer à investir leurs revenus dans des actifs tels que l’immobilier ou bien par l’achat de nouvelles actions à la bourse.
L’inflation représente en soi une catégorie économique du monde capitaliste en tant qu’elle exprime des rapports et des intérêts de classes précis, tant au niveau économique que politique. C’est pourquoi afin d’en comprendre la nature, nous devons revenir aux rapports économiques qu’elle exprime et aux rapports de classes qu’elle représente. Par exemple, la hausse des prix des marchandises n’affecte pas proportionnellement toutes les marchandises. Marx divise toutes les marchandises en deux grands groupes : les marchandises ordinaires qui sont possessions des capitalistes (pour faire vite, les biens produits) et la marchandise force de travail que possède l’ouvrier en propre sous le capitalisme. Si le prix des marchandises ordinaires tend à fluctuer au-dessus et au-dessous de leur valeur, celui de la force de travail tend à se maintenir au-dessous de sa valeur. Or, en temps d’inflation, on constate justement que lorsque la plupart des marchandises possédées par les capitalistes augmentent dans diverses proportions, le prix de la marchandise force de travail (le salaire) ne s’obtient qu’à la suite de luttes acharnées qui sont menées par les travailleurs et travailleuses.
Cela signifie que dans une période inflationniste, par suite des disproportions dans la hausse du prix des marchandises, les capitalistes s’approprient non seulement de la survaleur produite par les travailleurs et travailleuses dans la production, mais aussi d’une partie de la force de travail, parce que le salaire réel des travailleurs et travailleuses tend à baisser. Il en résulte alors une redistribution du revenu à l’avantage de la classe des capitalistes et au détriment de la classe ouvrière. Secondairement, les grands capitalistes font opérer des mécanismes semblables au sein même de la classe capitaliste. En effet, les hausses les plus importantes des prix se produisent généralement dans les branches monopolisées au détriment des petits producteurs.
Cibler l’inflation
Dans sa définition la plus élémentaire, l’inflation signifie simplement une hausse des prix, rien de plus. L’inflation dénote une situation lors de laquelle on assiste à une hausse des prix en général, c’est-à-dire qui touche à l’ensemble de l’économie. À l’inverse, la déflation dénote une baisse des prix. Sous le capitalisme, tous les prix attachés aux biens et services sont des prix monétaires (ou, comme disent les économistes bourgeois, des prix nominaux). Les prix indiquent ce qui doit être payé en argent pour acheter ces biens et services. En réalité, lorsque l’inflation monte, c’est qu’il s’est opéré un changement dans les termes de l’échange entre la monnaie d’une part et les biens d’autre part (autrement dit, lorsque l’inflation est en croissance, il faut généralement plus de monnaie pour acquérir un même bien). Ce changement dans les termes de l’échange vaut pour une période donnée (qui peut varier en intensité et en durée) et est évidemment vécu différemment selon sa position sociale et économique. Généralement, l’économie politique bourgeoise s’attarde aux rapports entre l’offre et la demande, expliquant l’inflation par le dépassement de l’offre par la demande, par l’existence d’une « demande excédentaire ». Ce faisant, l’économie politique bourgeoise justifie, dans l’intérêt des capitalistes, l’augmentation des profits. C’est oublier que sous le capitalisme c’est toujours le prolétariat, qui compose la majorité de la population, qui subit le plus directement les effets de l’inflation parce que son pouvoir d’achat tend à diminuer (ou bien à augmenter moins rapidement que la hausse des prix)
Le changement généralisé des termes de l’échange qui donne lieu à la hausse des prix est par la suite identifié par des appareils statistiques particulièrement mis en place à cette fin par les États de la plupart des pays capitalistes les plus développés dans les années 1970. En effet, avant les grandes récessions des années 1970, les États capitalistes faisaient peu de cas de l’inflation. Il était à l’époque normal pour les États capitalistes de compter sur le libre marché pour procéder aux autocorrections nécessaires. Cependant, au début des années 1980, les pays capitalistes les plus industrialisés ont été amenés à confier à leur banque centrale respective la mission de juguler l’inflation.
Ce sont les chocs pétroliers des années 1970 qui ont mis fin à une période de croissance économique sans précédent du capitalisme. En 1973, à la suite de la guerre du Kippour, les principaux pays producteurs de pétrole regroupés dans l’OPEP vont prendre la décision de tripler le prix du baril de pétrole, le faisant passer de 1,7 dollar en 1970 à 3,37 dollars en 1973, puis à 12,25 en 1974. La hausse rapide des prix de l’énergie va ensuite venir déséquilibrer en peu de temps les échanges internationaux au sein de l’économie capitaliste et déstabiliser les économies des pays capitalistes producteurs et exportateurs de marchandises. Plus particulièrement, les pays capitalistes avancés vont devoir faire face à une hausse de l’inflation : en moyenne dans l’OCDE, les prix à la consommation passent de 3,3 % dans les années 1960 à plus de 9,9 % dans les années 1970.
Parallèlement, le taux de croissance de la production pour les principaux pays capitalistes s’effondre de 6 % qu’il était en 1973 pour descendre jusqu’à 0,5 % en 1974, ce qui va se traduire l’année suivante par la première année de récession que va connaître l’économie capitaliste depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. C’est d’ailleurs à partir de ce moment que le chômage va tendre à s’accroître d’année en année dans les principaux pays capitalistes. Face à cette double hausse – hausse de l’inflation et hausse du chômage –, les États capitalistes vont hésiter sur la priorité à donner à leur intervention : faut-il lutter prioritairement contre l’inflation ou bien contre la hausse du chômage ? C’est le second choc pétrolier qui accompagne la révolution iranienne vers la fin de 1979, et qui va faire doubler le prix du baril de pétrole (qui dépasse à ce moment-là 30 dollars) et va avoir pour effet de reproduire les effets du premier choc pétrolier, qui va faire pencher les États capitalistes en faveur de lutter prioritairement contre l’inflation.
De fait, les pays capitalistes avancés vont s’engager les uns après les autres dans des politiques monétaires donnant la priorité à la lutte contre l’inflation. Par exemple, la Fed américaine (la banque centrale des États-Unis) relève brutalement les taux d’intérêts à la fin de l’année 1979. La Banque du Canada (tout comme les autres banques centrales) procède de la même manière. De 1980 à 1983, la hausse des prix à la consommation est ramenée de 13,5 % à 3,2 % aux États-Unis, et de 12,9 % à 5,2 % en moyenne dans les pays de l’OCDE. Au Canada, les mesures mises en place par la banque centrale, notamment la hausse des taux d’intérêts, vont faire chuter la hausse des prix de 12,5 % en 1981 à 5,9 % en 1983. Toutefois, les politiques anti-inflationnistes menées par les États capitalistes vont avoir pour effet de faire croître le chômage massif.
Bien que les objectifs finaux des banques centrales varient d’un pays à l’autre, la plupart semblent poursuivre un objectif de stabilité des prix, qui vise à limiter le niveau d’inflation à 2 % à moyen terme. C’est le cas de la Fed, mais aussi de la Banque du Canada ainsi que de la Banque centrale européenne. L’atteinte de cet objectif n’est pas sans conséquence, puisque cette normalisation de l’inflation signifie que l’économie capitaliste vient ponctionner (indirectement par l’entremise de l’État) dans les salaires et revenus des travailleurs et travailleuses. Et bien que l’inflation ait été moins grande pour la période qui va de 1992 à 2017, il n’en demeure pas moins qu’elle a été supérieure à la hausse des salaires consentis par les capitalistes pour la même période. Dit autrement, année après année, les prolétaires du Canada (comme les prolétaires des autres pays) voient les prix monter plus rapidement que leurs revenus.
C’est Statistique Canada qui s’occupe de colliger les informations sur l’inflation au Canada. Or, la mesure même de l’inflation est litigieuse de bout en bout, à commencer par la détermination de ce qui va entrer dans le panier de biens et services et dont les prix seront pris en compte pour mesurer l’inflation. En effet, ce panier repose sur un mode de sélection théorique et des déterminations politiques qui n’ont rien à voir avec l’inflation « objective », c’est-à-dire l’inflation réelle. Pour le dire autrement, le choix d’un indicateur statistique n’est pas seulement un problème méthodologique – par exemple quels critères retenir dans le choix de ce qui comptera dans le panier de biens, etc. : c’est avant tout une décision politique qui sert au bon fonctionnement de la société bourgeoise. En surface, l’inflation touche de façon identique toute la population. En réalité, la hausse des prix touche plus durement les travailleurs et les travailleuses et, inversement, il y a des forces sociales qui profitent de l’inflation, notamment les plus importantes industries capitalistes qui exploitent les travailleurs, accumulent le capital et qui cherchent à ce que leurs gains soient le moins documentés possibles. D’ailleurs, selon les données de Statistique Canada, entre 2020 et 2021, le PIB nominal canadien s’est apprécié de 14,3 %. Mais alors que la masse salariale augmentait de 10 %, les excédents d’exploitation nets des entreprises (profits) progressaient de 46,3 %. Comme le PIB en volume n’a augmenté que de 2,7 % au cours de cette période, le gros de la croissance nominale reflète des hausses de prix, dont les grands bénéficiaires sont les entreprises. D’un côté, les travailleurs et leurs familles ne veulent pas que les prix dans les magasins ou pour obtenir des services augmentent plus rapidement que leurs salaires et avantages sociaux. De l’autre, les entreprises capitalistes ne veulent pas que les prix s’effondrent et que leurs bénéfices diminuent.
De toute évidence, les banques centrales ne comprennent pas vraiment comment fonctionne l’inflation. Or, dans chaque pays il existe de nombreuses théories bourgeoises qui traitent de l’inflation, mais aucune n’a été en mesure d’expliquer de manière persistante ce qui se passe dans le monde réel, comme le démontre l’échec patent de presque toutes les banques centrales à anticiper la hausse de l’inflation.
Certains économistes bourgeois considèrent que l’inflation est uniquement un problème de masse monétaire excédentaire. Par exemple, pour un économiste bourgeois comme Milton Friedman, l’inflation est toujours et partout un phénomène monétaire selon lequel si la quantité de monnaie en vient à augmenter, alors les prix augmenteront, et vice-versa. Dit autrement, si la quantité de monnaie augmente plus vite que la production de biens et de services (PIB nominal), il y aura de l’inflation. Or, si nous nous attardons au taux d’inflation des 30 dernières années, on constate que ce dernier est demeuré plutôt stable alors que pourtant, la croissance de la masse monétaire a été stable ou en hausse. Par exemple, entre 1993 et 2019, la masse monétaire aux États-Unis a augmenté à un taux moyen de 6,7 % par année, mais l’inflation, elle, n’a augmenté en moyenne que de 2,3 % par année. Plus encore, la croissance de la masse monétaire s’est largement accélérée lors de la récession mondiale de 2008, tandis que l’inflation a eu tendance à ralentir.
Cela dit, la plupart des pays capitalistes adoptent une conception néo-keynésienne de l’économie et de l’inflation. Selon cette conception, l’inflation résulte de la hausse des prix des matières premières et de la hausse des salaires. Tant qu’il y a une demande accrue sur le marché, davantage de chômeurs peuvent être mis au travail et la capacité inutilisée des usines et des stocks peut être utilisée, ce qui empêche l’inflation d’augmenter. Toutefois, s’il y a plein emploi (comme c’est présentement le cas), l’offre pour combler la demande ne peut pas être augmentée. De plus, toujours selon cette théorie, les travailleurs et travailleuses sont en position de demander des augmentations de salaires, ce qui forcerait les entreprises à augmenter les prix menant à une spirale inflationniste salaires-prix. Pour les keynésiens, la solution au problème de l’inflation est de chercher à faire des arbitrages entre un taux de chômage suffisamment bas pour avoir une production adéquate, mais suffisamment élevé pour empêcher les salaires d’augmenter trop rapidement. Or, l’histoire montre là aussi que la réalité se conforme rarement aux théories économiques bourgeoises. Par exemple dans les années 1970, l’inflation des prix s’est accélérée ; or la croissance économique a ralenti et le chômage a augmenté. La plupart des grandes économies ont connu la « stagflation », c’est-à-dire une situation lors de laquelle la croissance économique est faible ou nulle, l’inflation en croissance rapide et le chômage élevé, ce qui contredit les conclusions du keynésianisme. Plus encore, depuis la fin de la récession américaine de 2008, les taux de chômage dans les principales économies ont chuté à des niveaux d’après-guerre alors que l’inflation a également ralenti.
Bien qu’il n’ait pas traité directement de l’inflation, Marx a néanmoins laissé quelques indications qui nous sont aujourd’hui utiles. Pour commencer, la monnaie prend naissance dans les échanges entre producteurs, et donc dans les rapports marchands capitalistes. Ensuite, la monnaie représente de la valeur dans la production marchande et n’en est pas indépendante. Dans la production capitaliste, les prix de production sont formés à partir de la création de valeur et non à partir de la création monétaire. De fait, la masse monétaire suit généralement les variations de prix, de sorte que toutes les tentatives de modifier la masse de monnaie échouent à déterminer l’inflation des prix. Ainsi donc, l’existence de la monnaie suppose l’échange marchand mais aussi l’État ; car c’est l’État qui est le principal émetteur de monnaie qui réglemente la circulation monétaire par l’entremise des grandes banques centrales.
La production capitaliste s’efforce continuellement d’augmenter la productivité du travail, c’est-à-dire de produire plus d’unités par travailleur. Mais cela signifie que le temps de travail par unité baisse en conséquence. Comme seul le travail vivant déployé par les travailleurs et travailleuses crée de la valeur, il s’en suit une tendance générale à la hausse de l’offre d’unités de biens et de services, qui s’accompagne d’une tendance générale et à long terme à la baisse de la valeur des marchandises. En effet, l’accumulation capitaliste est un processus d’économie de travail, de sorte que la valeur des marchandises chutera parallèlement à une augmentation de la productivité du travail, les valeurs d’usage étant produites en quantités supérieures à la valeur qu’elles contiennent. Or, si les prix de production dépendent de la valeur, il y aura une tendance inhérente pour les prix des marchandises à baisser et non à augmenter, car la valeur totale diminuera relativement à la production totale au fil du temps.
Ainsi donc, la demande de marchandises dépend de la nouvelle valeur créée dans la production. La nouvelle valeur commande la demande ou le pouvoir d’achat sur l’offre de marchandises. La nouvelle valeur est répartie par la lutte des classes en salaires ou en profits. Les salaires achètent des biens de consommation et les bénéfices achètent du capital ou des biens d’investissement. Ainsi donc, le seul moment où s’enrichit le capitaliste, c’est dans la production. Afin de disposer d’un temps maximum de production, les capitalistes doivent disposer de capitaux qui servent à la production alors que les marchandises qui viennent d’être produites ne sont pas encore vendus. Pour ce faire, les capitalistes empruntent à d’autres capitalistes (les banques) et continuent la production. Or, si toutes les marchandises ne sont pas vendues, alors il y a un excédent de monnaie émis par l’État, puisque que l’argent qui correspond au besoin de circulation des marchandises est encore dans les poches des acheteurs potentiels. Comme on le voit, l’excédent d’argent prend naissance à même le fonctionnement de la production capitaliste. Sans le crédit, et la possibilité de relancer des cycles de production avant même d’avoir vendu ce qui a été produit, le capitalisme cesserait de fonctionner.
Ainsi donc, les capitalistes commencent avec le capital-argent pour investir dans la production et le capital-marchandise, qui à leur tour, à travers la dépense de la force de travail (et son exploitation), produisent finalement une nouvelle valeur qui est réalisée sous la forme de plus de capital-argent. La demande de capital-argent pour relancer de nouveaux cycles de production entraîne la demande de crédit. Les banques créent de l’argent ou du crédit dans le cadre de ce processus d’accumulation capitaliste, toutefois sous la forme d’une séparation entre capital financier et la production capitaliste. Finalement, la demande de monnaie et donc son prix est fixé par le rythme d’accumulation du capital et de la consommation capitaliste.
Il existe toutefois des facteurs qui peuvent exercer une pression à la hausse sur les prix ; en particulier, l’intervention des autorités monétaires dans leurs tentatives de contrôle de l’offre de monnaie qui aura tendance à faire monter l’inflation. C’est donc dire que l’inflation est pour une part le résultat de la façon dont les capitalistes luttent pour maintenir leurs profits et pour une autre part la manière dont l’État utilise ses ressources afin de défendre les intérêts des capitalistes. Toutefois, même si les banques centrales ont injecté plus d’argent dans l’économie et que la croissance de la masse monétaire s’est accélérée, en particulier à partir des années 1990 et encore plus après la récession de 2008, il n’en demeure pas moins que la production de valeurs nouvelles a continué de ralentir.
L’inflation au Canada
Du début du 20e siècle jusqu’aux années 1970, les travailleurs et travailleuses ont bénéficié de la croissance économique au Canada, alors que leurs salaires ont augmenté en moyenne au-delà de la croissance des prix, entraînant une amélioration notable de leur pouvoir d’achat. Ces années de développement du capitalisme canadien voient une augmentation spectaculaire du pouvoir d’achat des salariés canadiens. Par exemple, le salaire horaire moyen des employés à la production dans l’industrie manufacturière fait plus que doubler en dollars constants (252 %), bien que le salaire hebdomadaire moyen augmente moins rapidement (176 %), du fait que les travailleurs préfèrent diminuer la semaine de travail qui va passer de 50 heures semaine en moyenne en 1940 à 38,5 heures en 1980.
Toutefois, depuis maintenant près de 50 années, les travailleurs et travailleuses voient leurs revenus stagner, même si la productivité du travail continue d’augmenter. D’ailleurs, à partir du recensement de 2006, Statistique Canada évaluait que le revenu réel médian des Canadiens travaillant à plein temps toute l’année ne s’était accru que de 53 $ en tout entre 1980 et 2005. Ce qui signifie que les travailleurs et travailleuses ne voient aucune amélioration de leur pouvoir d’achat et par conséquent, qu’ils bénéficient peu de la richesse qu’ils contribuent largement à créer grâce à leur force de travail.
Précisons, d’abord, que la croissance économique a été faible depuis le milieu des années 1970. Le Canada a de plus connu trois récessions (1981-1982, 1990-1991, 2008-2009) et le niveau de chômage est demeuré élevé pendant les années 1980 et 1990 (9,4 % en moyenne).
Ce sont des facteurs qui ont contribué à maintenir les salaires bas et les augmentations de salaires modestes. Plus encore, avec le développement du capitalisme et la fin de la guerre froide, on assiste à l’ouverture de nouveaux marchés. La mondialisation des échanges et une concurrence exacerbée entre les entreprises capitalistes vont contribuer à maintenir les salaires bas.
On peut situer le point de bascule entre la période de hausse réelle du salaire ouvrier et la période de baisse des salaires à une décision prise en 1975, lorsque le gouvernement libéral dirigé par Pierre Elliott Trudeau fait adopter par la Chambre des communes le projet de loi C-73 sur les mesures de contrôle des prix et des salaires. Adopté afin de contenir l’inflation, le programme de contrôle des prix et des revenus comprend un plafonnement des augmentations salariales de l’ordre de 10 %, 8 % et 6 % de 1976 à 1978. Il s’applique tant aux employés de la fonction publique fédérale que pour les entreprises du secteur privé de plus de 500 employés.
La mesure est reprise par les provinces, qui décident d’appliquer le programme aux secteurs d’emploi qui relèvent de leur juridiction. La loi fait particulièrement sentir ses effets à l’échéance des conventions collectives pour les travailleurs syndiqués. Par exemple au Québec en 1982, soit un an avant l’échéance des conventions collectives des employés du secteur public et parapublic, le gouvernement du Parti québécois, dirigé par René Lévesque, vient fixer par décrets les conditions de travail des 320 000 employés de l’État pour les trois années suivantes. Globalement, le gouvernement péquiste va imposer des diminutions salariales de plus de 20 %, une augmentation de la tâche dans le secteur de l’enseignement et de la santé ainsi que la suppression du droit de grève.
Les conséquences de l’ensemble de ces mesures se font sentir rapidement sur les chèques de paie des travailleurs, car en 1978, les salaires horaires réels reculent pour la première fois depuis les années 1930, la hausse des prix étant supérieure aux augmentations salariales. Pour les quatre années suivantes (jusqu’à la récession de 1982), la croissance des salaires équivaut à celle des prix ou lui est légèrement inférieure. Comme on l’a vu, c’est une tendance qui se poursuit bien au-delà des années 1980. Ainsi, on peut inférer que depuis 1975, la tendance générale au Canada a été à la diminution du pouvoir d’achat des travailleurs et travailleuses, par suite d’une combinaison de récessions économiques, de poussées inflationnistes et de décisions politiques prises par la bourgeoisie, notamment le programme de contrôle des prix et des revenus.
L’inflation post-pandémique au Canada
Trente ans après que la Banque du Canada ait adopté une politique monétaire qui vise à stabiliser l’inflation en orientant ses décisions d’établissement du taux directeur, c’est-à-dire en adoptant une politique monétaire qui, en jouant sur les taux d’intérêt à court terme, cherche à maintenir l’inflation dans une fourchette se situant entre un à trois pour cent, il semble maintenant que les prix d’une grande variété de biens ont grimpé sensiblement depuis la dernière année, qu’il s’agisse du coût de l’habitation, de la rénovation, de la facture d’épicerie, du prix de l’énergie et de l’essence ainsi que d’une multitude de produits manufacturés qui dépendent de composantes qui sont fabriquées ailleurs dans le monde, notamment en Asie, c’est-à-dire presque tout.
Au début de l’automne dernier, Statistique Canada indiquait déjà que l’indice des prix à la consommation (IPC) du mois de septembre avait atteint 4,4 % par rapport à la même période l’année précédente, des niveaux qui n’avaient pas été vus depuis le début des années 2000. Bien que l’inflation puisse varier considérablement d’une région à l’autre du pays, allant de 11,1 % à l’Île-du-Prince-Édouard à 7 % en Saskatchewan (Statistique Canada, juin 2022), elle est en hausse partout : en 2021, le taux d’inflation pour la même période était respectivement de 6,3 % (Î-P-E) et de 2,9 % (Sask). Il semble que les prix de l’énergie ont contribué de manière significative à cette hausse.
L’impact des prix de l’énergie sur les récents chiffres de l’inflation est sérieux. Il y a certaines régions du pays où les prix de l’énergie entraînent d’importantes restrictions de coûts. Dans une grande partie du Canada atlantique et de l’Alberta, la composante énergétique de l’IPC représente une part importante de l’augmentation des prix. La forte inflation liée à l’énergie cette année reflète, dans une certaine mesure, l’écart qui existe entre les ralentissements pandémiques de 2020 et 2021, en particulier la chute spectaculaire des voyages aériens, des trajets quotidiens et des ventes de voitures, qui ont tous entraîné une baisse de la demande, et le rebond de l’économie mondiale, les décisions de l’OPEP de ne pas augmenter sa production ainsi que la guerre en Ukraine qui ont favorisé une flambée des prix de l’énergie partout dans le monde.
Ainsi donc, l’inflation est en hausse constante depuis le début de 2021. Les économistes bourgeois s’empressent toutefois de souligner que les taux mensuels de l’IPC sont calculés par rapport au même mois de l’année précédente ; il faudrait par conséquent relativiser la situation. C’est notamment l’argument qui a été invoqué en 2021 par l’État canadien pour ne rien faire. En effet, le gouvernement pouvait encore à ce moment-là prétendre que les sommets observés l’an dernier ne reflétaient que l’écart par rapport à l’année 2020, année hors norme lors de laquelle l’économie s’est maintenue au minimum dans le monde.
Néanmoins, la plupart des économistes bourgeois reconnaissent aujourd’hui que l’inflation découle d’une économie mondiale chaotique, alors que se poursuit la lutte contre la pandémie. En fait, nombreux sont ceux qui se demandent si les récentes tendances inflationnistes sont cycliques et donc transitoires, ou si elles suggèrent en réalité un problème structurel du capitalisme pour lequel les décideurs politiques sont appelés à revoir des politiques qui parfois datent de la période pré-mondialisation. De la crise économique de 1929 au début des années 1970, les principes économiques keynésiens ont prévalu dans la plupart des économies industrialisées, les gouvernements ayant recours aux dépenses, aux déficits et aux objectifs de plein emploi pour alimenter la croissance économique.
La politique canadienne en matière de taux d’inflation est restée stable depuis que la Banque du Canada a décidé en 1991, à la suite d’une importante récession, d’éradiquer l’inflation. Mais rapidement, son objectif initial d’en finir complètement avec l’inflation a cédé la place à l’adoption de politiques visant à contenir l’inflation entre un et trois pour cent, politiquement plus acceptable. C’est cette politique qui s’applique depuis lors, malgré toute une série de crises, notamment l’éclatement de la bulle Internet en 2000, les conséquences du 11-septembre, l’effondrement en 2007 du marché canadien du papier commercial adossé à des actifs (32 milliards de dollars), la crise financière mondiale de 2008 et la récession de 2009 qui s’en est suivie, considérée comme le pire ralentissement depuis les années 1930. Il convient également de noter que les politiques d’inflation de la banque centrale ont permis d’éviter que les périodes de forte croissance – fin des années 1990, milieu des années 2000 et fin des années 2010 – ne deviennent trop incontrôlables.
Aucun de ces épisodes n’est cependant à la hauteur des perturbations économiques causées par la pandémie. En effet, après plus de 30 années de mondialisation des échanges, les chaînes d’approvisionnement mondiales – construites autour de la fabrication à bas coût en Asie, de la livraison juste-à-temps et du commerce électronique – ont été rompues lorsqu’elles ont été confrontées aux fermetures des principaux ports, d’usines importantes et aux interruptions des expéditions. Or, les milliards de dollars injectés dans l’économie par les différents paliers de gouvernements, sous forme de soutiens salariaux et de subventions aux entreprises, combinés aux taux d’épargne des ménages ont favorisé la canalisation des dépenses vers les biens au détriment des services (restaurants, salons de coiffure, etc.) et des activités (comme les voyages).
Le niveau de stimulation du Canada, mesuré en proportion du PIB, est le troisième parmi les économies avancées. Or, la hausse des prix (l’inflation) n’est pas seulement liée à des facteurs conjoncturels. Les plans de relance mis en place par les classes dirigeantes des pays capitalistes au plus fort de la crise sanitaire, contribuent aussi à faire monter les prix puisque la création monétaire a largement dépassé les volumes réels de production. Le résultat maintenant est une situation où la demande dépasse l’offre, créant une pression inflationniste sur les prix. En effet, l’injection de milliards de dollars dans l’économie, combinée aux bas taux d’intérêt ainsi que d’autres politiques de stimulation monétaire telles que l’« assouplissement quantitatif » (l’achat par la banque centrale d’obligations d’entreprises et d’État), ont généré des milliards de dollars de crédit bon marché qui ont fait grimper les prix. C’est le cas par exemple dans le secteur du logement, où la demande excède l’offre. En effet, quand une banque centrale a recours à l’assouplissement quantitatif, elle achète des obligations du gouvernement pour en faire monter le prix et baisser le rendement, soit les intérêts que touchent les détenteurs. Or, le rendement de ces obligations a beaucoup d’influence sur les taux d’emprunt. L’assouplissement quantitatif encourage les ménages et les entreprises à emprunter, à dépenser et à investir parce que lorsque la banque achète des obligations du gouvernement leur rendement diminue, ce qui a pour résultat que les prêts hypothécaires à taux fixe baissent aussi. Cela dit, il faut noter que contrairement aux intérêts hypothécaires, aux frais de fonctionnement des ménages, aux prix des loyers qui sont inclus dans le calcul de l’IPC, les prix des maisons (et des appartements en copropriété) en sont exclus car ils sont considérés comme des immobilisations. Pourtant, l’effervescence des marchés immobiliers et les guerres d’enchères ont fait grimper les prix des maisons à des niveaux sans précédent.
En bref, le contexte international et le contexte national ont également évolué depuis la fin des mesures d’urgence pandémiques. Au niveau mondial, même si l’économie est loin d’être revenue au niveau pré-pandémie, il y a présentement dans le monde d’importants problème de pénuries de matières premières et de produits finis. Ces pénuries sont alimentées par les mesures de confinement imposées dans de nombreuses usines, notamment en Chine, et par la difficulté du secteur du transport, en particulier le transport par bateau, à déplacer dans des délais normaux les marchandises parce que les ports fonctionnent déjà en surcapacité.
À ces problèmes sont venus s’ajouter d’autres facteurs d’ordre politique et économique, qui sont venus amplifier les difficultés rencontrées dans l’économie capitaliste, à savoir une hausse des prix de l’énergie découlant de la spéculation, mais aussi du refus de l’OPEP d’augmenter la production de pétrole brut à l’automne 2021 et du boycott par les pays capitalistes de l’ouest, partiel et inégal, du gaz et du pétrole en provenance de Russie. La baisse de l’offre de pétrole (en partie réelle et en partie spéculative) en a fait bondir le prix et s’est répercuté sur le prix de toutes les marchandises, notamment celui des aliments (hausse des intrants), s’ajoutant par le fait même aux autres difficultés rencontrées en agriculture (transport, problèmes de main-d’œuvre) – et c’est sans compter la réduction sur le marché mondial de l’offre de céréales et d’engrais qui habituellement provenaient de la Russie et de l’Ukraine, qui a contribué à réduire l’offre globale des aliments de base qui entrent dans la production alimentaire.
Au niveau national, la demande intérieure commence à excéder les capacités de production actuelles, stimulée ici comme ailleurs par le crédit bon marché et l’épargne accumulée au creux de la pandémie par les plus fortunés. La flambée actuelle des prix découle d’une conjugaison de phénomènes qui prend la forme d’une inflation par les coûts (« Cost-push ») et d’une inflation causée par la demande (« Demand-pull »), qui ont pour origine la situation économique internationale et nationale. Toutefois, l’inflation s’explique fondamentalement par le conflit entre la bourgeoisie et le prolétariat sur la répartition des revenus ; de la montée en puissance des monopoles (renforcée par les politiques interventionnistes de l’État) qui cherchent à accaparer une plus grande part de la plus-value totale au détriment des plus petits capitalistes ; et l’inflation s’explique par l’écart entre l’offre et la demande de monnaie de crédit.
De plus, l’inflation est stimulée par la dette des États. En effet, un des principaux traits caractéristiques des États capitalistes est d’avoir accumulé d’importants déficits. Pour couvrir ces déficits, ils doivent sans cesse trouver de nouvelles sources de revenus. En temps normal, le principal moyen pour se procurer ces revenus, c’est évidemment l’augmentation continuelle des impôts directs et des taxes prélevées au détriment des masses prolétariennes. Mais l’expérience des 50 dernières années, en particulier la baisse du pouvoir d’achat ouvrier, rend plus difficile l’usage des impôts parce qu’ils constituent un pillage ouvert des masses ouvrières, qui rencontre de plus en plus de résistance. Dans ces conditions, pour couvrir les grands déficits, les États capitalistes tendent à augmenter la dette publique et à mettre en circulation de plus en plus de monnaie. Pourquoi jeter dans la circulation monétaire une quantité de monnaie supérieure aux besoins réels ? Parce que cela permet à l’État de prendre indirectement du salaire aux travailleurs et travailleuses, et le remettre au moyen des commandes d’État dans la poche des capitalistes sous la forme de profits.
Bien que l’inflation rapporte des profits à la bourgeoisie, elle exacerbe encore davantage la crise de la société capitaliste en mettant ainsi en danger l’ordre bourgeois lui-même. En premier lieu, l’inflation aggrave la situation matérielle des masses ouvrières. Cela fait se dresser les travailleurs et travailleuses contre la bourgeoisie, lutte qui menace directement le pouvoir politique et économique de la bourgeoisie. C’est pourquoi la bourgeoisie et son État cherchent à se montrer en apparence en faveur de la lutte contre l’inflation. Certes, l’État capitaliste prend des mesures pour freiner l’inflation, mais il ne s’agit toujours que d’une autre façon de défendre les intérêts de la bourgeoisie, en transférant les conséquences de l’inflation sur le dos des travailleurs et des travailleuses par d’autres moyens (par exemple en haussant les taux d’intérêts, ou bien en haussant le déficit). Mais, lorsque l’inflation dépasse une certaine proportion donnée, elle désorganise toute la vie économique, ce qui peut porter préjudice au bon fonctionnement du système capitaliste.
Les prolétaires du Canada n’ont rien à attendre des solutions à l’inflation qui sont proposées par la bourgeoisie et les gouvernements bourgeois. L’inflation prend naissance à même la production capitaliste et est par la suite amplifiée par les politiques qu’adoptent les gouvernements, qui sont justement élus pour défendre les privilèges des capitalistes. Pour en finir avec l’inflation, il faut que la production, comme l’ensemble de l’économie, soit organisée collectivement par les travailleurs et travailleuses en fonction des besoins de tous et toutes. L’abolition de l’inflation suppose donc une maîtrise collective de la production. Mais pour en arriver à avoir le contrôle collectif des moyens de production et de ce qui est produit, les travailleurs et travailleuses doivent d’abord comprendre comment fonctionne le capitalisme, et simultanément s’organiser ensemble dans un parti réellement révolutionnaire et dans l’action révolutionnaire pour venir bouleverser totalement la société bourgeoise, afin de remplacer les rapports sociaux d’exploitation par de nouveaux rapports sociaux égalitaires.
C. Jacobson