1 | Le capitalisme et les classes sociales au Canada

Document publié dans le cadre du «Grand débat programmatique» animé par le Réseau des comités de travailleurs:

La deuxième section du document intitulé « Les bases politiques… » présente un condensé de différentes thèses qui abordent autant les bases matérielles du capitalisme canadien, que les acteurs de la lutte des classes au Canada. Certaines des thèses sont affirmatives, c’est-à-dire qu’elles présentent, caractérisent et fournissent des explications quant aux conditions qui prévalent dans la société capitaliste canadienne (par exemple, les paragraphes 6 à 9). À contrario, il y a aussi des thèses qui peuvent être qualifiées de négatives, puisqu’il s’agit cette fois de contrecarrer, de s’opposer à des points de vue bourgeois et petits-bourgeois (par exemple le paragraphe 10). L’ensemble de ces thèses est une formidable défense du marxisme révolutionnaire appliqué aux conditions actuelles du capitalisme. C’est une défense qui repose sur une analyse concrète de la situation concrète et qui se trouve à être validée par les données empiriques les plus récentes.

On peut distinguer trois parties à la deuxième section. Dans la première de ces parties, le Canada est présenté comme un pays capitaliste moderne (paragraphes 1 à 8). L’analyse des rapports de production capitalistes permet de mettre à jour les racines de l’antagonisme qui existe entre prolétariat et bourgeoisie, qui est un trait fondamental du capitalisme. Ces deux classes se font face en un antagonisme irréductible, et le prolétariat doit ressentir l’irréductibilité de cet antagonisme pour pouvoir agir en conséquence. En effet, l’antagonisme de classe entre la bourgeoisie et le prolétariat est radical, et le prolétariat doit prendre conscience que son opposition à la classe des capitalistes et par la suite à tout le système capitaliste est une opposition sans compromis possible. Plus encore, les classes sociales sous le capitalisme se structurent à travers les conflits sociaux générés par les rapports d’exploitation. Notamment, c’est à travers la lutte des classes que les prolétaires prennent conscience de leurs intérêts communs. Dans la seconde partie, on procède à l’analyse du prolétariat (paragraphes 15 à 18) et, finalement, dans la dernière partie, on procède à l’analyse de la bourgeoisie (paragraphes 25 à 31). Réunies, ces trois parties permettent de caractériser les forces qui sont amenées à s’affronter sous le capitalisme et les conditions dans lesquelles se déroule cet affrontement.

Le Canada, un pays capitaliste

Chaque mode de production est caractérisé par une combinaison spécifique de forces productives et de rapports de production. Cette combinaison constitue la structure de la société, c’est-à-dire la base matérielle, économique, de son existence et de sa reproduction. Suite à l’affirmation du mode de production capitaliste, dans la société se sont formées deux grandes classes opposées : la bourgeoisie et la classe ouvrière.

Dans la première partie de la section 2, on affirme que le Canada est caractérisé par la propriété privée des moyens de production (paragraphe 2), c’est-à-dire que les outils, les machines et les installations qu’utilisent les travailleurs et travailleuses dans le procès de travail ainsi que toutes les infrastructures sociales utilisées pour la production sont la possession de la classe dominante (la bourgeoisie). Or, la propriété privée des moyens de production met aussi en relief l’existence de forces sociales au Canada qui sont dépossédées du contrôle sur les moyens de production, soit le prolétariat, ce qui explique pourquoi l’analyse de classes occupe une place centrale dans la section 2.

Ce n’est pas un secret que le gros de la sociologie bourgeoise nie l’objectivité des classes sociales et tend à concevoir la notion de classe uniquement comme un concept, une « représentation mentale », c’est-à-dire comme une idée parmi tant d’autres. Au lieu de chercher à expliquer l’origine et le développement des classes sociales à même la réalité matérielle, et par là même contribuer à la lutte pour abolir cette division, la sociologie bourgeoisie, comme toutes les sciences humaines bourgeoises, est aujourd’hui une entreprise qui ne vise pas à révolutionner la société en général, mais surtout à assurer une plus grande intégration des individus à la société capitaliste en particulier.

Loin de n’être qu’une représentation, la notion de classe sociale se rapporte à des processus réels de classement des membres de la société en fonction de critères sociaux qui découlent principalement de la structure économique de la société. En ce sens, les classes sociales ne sont pas définies en fonction de données individuelles (subjectives ou accidentelles), mais par rapport à des données qui sont objectives, posées en relation avec le type de rapports qui existent dans un mode de production donné. Implicite à l’analyse de classe que l’on retrouve dans la deuxième section est l’idée selon laquelle les critères qui définissent ce qu’est un mode de production sont aussi les données objectives de l’existence des classes. Cela concerne notamment : le rapport au monde objectif (les êtres humains vis-à-vis la nature) ; le rapport aux facteurs de production ; le rapport des hommes et des femmes entre eux et elles ; et finalement, le rapport vis-à-vis des produits qui sont créés.

En définitive, l’organisation du travail au sein d’une société, soit la manière dont sont réparties et agencées les places économiques au sein d’une époque déterminée, conditionne l’ensemble des rapports sociaux de cette époque. La structure économique de la société capitaliste divise ses membres en classes aux intérêts divergents, c’est-à-dire que les classes sociales sont déterminées par les rapports sociaux de production qui sont en vigueur sous le capitalisme et de fait, l’opposition des prolétaires et des bourgeois renvoie à l’opposition réelle du capital et du travail.

Les classes sociales

Avant d’examiner plus spécifiquement les différents paragraphes qui abordent les classes sociales au Canada, il faut d’abord s’arrêter à bien définir ce que l’on entend par classe sociale. La meilleure définition disponible nous est donnée par Lénine, dans son texte intitulé « La grande initiative » (Œuvres complètes, tome 29) :

« On appelle classes de vastes groupes d’hommes qui se distinguent par la place qu’ils occupent dans un système historiquement défini de production sociale, par leur rapport (la plupart du temps fixé par des lois) vis-à-vis des moyens de production, par leur rôle dans l’organisation sociale du travail, par les modes d’obtention et l’importance de la part de richesses sociales dont ils disposent. »

Cette définition mériterait de se retrouver dans la section 2 tant elle a une valeur heuristique. Pour commencer, la référence à de vastes groupements d’hommes (et de femmes) signale que la notion de classes sociales ne renvoie pas à un petit nombre d’individus, mais à de grands groupes d’individus qui se trouvent dans la société, et qui sont examinés du point de vue matériel et historique. Il ne s’agit pas non plus de groupements arbitraires d’individus (selon des préférences subjectives) ni de n’importe quels groupements, mais au contraire ce sont des groupements d’hommes et de femmes qui sont caractérisés par des critères précis et qui sont valides pour une période historique et un mode de production déterminés. Remarquons en passant que la division en classes induit logiquement qu’il y a nécessairement plusieurs classes et que par conséquent, il existe des éléments de différentiation. Pour le dire autrement, cela suppose que chacune des classes qui composent la société présente des caractéristiques (identifiables) particulières qui permettent de la différentier des autres.

Rappelons-nous que ce sont des déterminations matérielles réelles qui expliquent l’origine des classes sociales mais aussi pourquoi, sous le capitalisme, les deux classes fondamentales que sont la bourgeoisie et le prolétariat sont amenées à s’opposer. En effet, la contradiction entre la production sociale et l’appropriation capitaliste privée est fondamentale sous le capitalisme, et elle s’exprime dans l’antagonisme de classe entre la bourgeoisie et le prolétariat. La classe qui produit la richesse sociale, c’est le prolétariat, et la classe qui s’approprie cette richesse, c’est la bourgeoisie. La nature des rapports de production entre la bourgeoisie et le prolétariat, le caractère de l’exploitation capitaliste, tout cela est mis en lumière par la théorie marxiste de la plus-value et du capital, qui constitue le développement de la théorie de la valeur.

La première détermination matérielle observable tient au rapport que chacune des classes entretient avec les moyens de production. Toutes les classes, sans exception, entretiennent un rapport direct ou indirect avec les moyens de production. La nature de ces rapports va varier selon que ce rapport en est un de possession et de propriété, ou au contraire d’exclusion, de privation et par conséquent de dépendance partielle ou totale vis-à-vis des détenteurs des moyens de production. Le rapport aux moyens de production est central au problème de la division de la société en classes.

Dans le cadre du développement historique des sociétés capitalistes, on peut distinguer les classes qui possèdent les grands moyens de production socialisés, celles qui possèdent des moyens de production limités, et celles qui en sont complètement démunies. Sous le capitalisme, c’est la classe dominante (la bourgeoisie) qui possède les grands moyens de production (notamment les monopoles, les grandes sociétés d’État, etc.) tandis que la bourgeoise locale possède des moyens de production plus limités (quelques machines, quelques employés) et que le gros de la société canadienne (le prolétariat) ne possède aucun moyen de production et par conséquent se retrouve tributaire de la bourgeoisie.

Comme l’indique Lénine, il faut aussi examiner la façon d’obtenir une part de la richesse sociale (tant au niveau qualitatif, c’est-à-dire le mode d’obtention de cette part de richesse, qu’au niveau quantitatif, c’est-à-dire l’ampleur de la part obtenue). Sous l’angle de la production sociale, on peut facilement distinguer ceux et celles qui s’approprient le produit de leur propre travail (les prolétaires), ceux et celles qui s’approprient le produit du travail d’autrui (la bourgeoisie). Pour dire un peu la même chose, on peut aussi distinguer ceux et celles qui n’ont en échange de leur travail que le strict minimum, le nécessaire pour vivre (le prolétariat) et ceux qui possèdent plus que le nécessaire (la bourgeoisie).

On peut ainsi résumer les choses de la façon suivante : les relations économiques, sociales et politiques caractérisant le mode de production capitaliste ne s’établissent pas entre individus mais entre classes sociales. Ces relations ne s’établissent pas en fonction des revenus, de l’idéologie ou des comportements sociaux des individus, mais découlent de la position occupée dans la division du travail en vigueur dans le mode de production. Cela revient à dire que l’existence d’une classe sociale est un fait objectif, que tous et toutes les membres de la société appartiennent à une certaine classe sociale selon la position occupée dans la division sociale du travail, indépendamment de la conscience que peuvent en avoir les individus, notamment que la poursuite de ses propres intérêts est tributaire de la poursuite de ceux de la classe en général.

La bourgeoisie

L’examen de la classe bourgeoise que l’on retrouve dans la section 2 (paragraphes 25 à 31) dresse une image précise de l’importance de la bourgeoisie dans un pays capitaliste avancé. On y précise que le pouvoir de la bourgeoisie repose sur son contrôle des moyens de production (paragraphes 5 à 8, 28), mais aussi sur son contrôle de l’État (paragraphes 30 et 31) ainsi que sur sa capacité à faire représenter ses perspectives et ses intérêts comme étant également ceux de la société tout entière (paragraphe 9).

Ces quelques paragraphes reprennent implicitement l’idée selon laquelle les sociétés humaines sont composées de trois structures articulées entre elles et interdépendantes : une structure économique productive, une superstructure juridico-politique et une superstructure idéologique. En dernière instance, c’est la base productive qui est déterminante car c’est à ce niveau que s’organise socialement la production des biens qui permettent aux individus et à la société d’exister. En effet, comme nous venons de le voir, c’est à partir de la structure économique, sociale et politique, que la société capitaliste tend à diviser ses membres en classes sociales, qui ont dans la vie de la société des caractéristiques et des rôles distincts (la bourgeoisie et le prolétariat).

La naissance et le développement du capitalisme, l’apparition de monopoles, le développement du capitalisme financier et d’un marché capitaliste intégré au niveau mondial confèrent à la bourgeoisie impérialiste canadienne un rôle dirigeant et un pouvoir sur des millions d’hommes et de femmes. Pour perpétuer sa position sociale, la bourgeoisie a dû édifier une superstructure juridico-politique (caractérisée par un ensemble de règles, codes, lois, structures et appareils de répression) et des superstructures idéologiques (formées de représentations intellectuelles du monde, d’idées morales, religieuses, etc.) qui d’une manière ou d’une autre contribuent à justifier sa domination sur l’ensemble de la société.

Le rapport entre structure et superstructure n’est pas mécanique, mais dialectique. En effet, la superstructure n’est pas uniquement influencée de manière passive par la structure, mais elle réagit souvent sur cette dernière et en vient à la modifier. Il s’agit donc d’un rapport dialectique dans lequel la structure de production est l’élément dominant et la superstructure l’élément secondaire d’une seule et même unité. Le fonctionnement de l’État capitaliste est tout à fait représentatif de ce rapport dialectique. Par exemple au niveau de la structure économique, l’État favorise la direction capitaliste des rapports de production tandis qu’au niveau de la superstructure, il favorise l’adoption de lois et met en place les dispositifs politiques, sociaux, spirituels de défense de ces rapports.

Le prolétariat

À partir de l’examen de la réalité du capitalisme, Marx entrevoit la possibilité d’une transformation générale des rapports sociaux capitalistes qui prendrait d’abord la forme d’un remplacement de la propriété privée des moyens de production par la propriété collective des moyens de production et qui mènerait à terme à l’abolition de la division de la société en classes. Mais pour abolir le capitalisme, il faut qu’il existe un sujet révolutionnaire capable d’intervention sous le capitalisme. Or, ce sujet révolutionnaire il existe, c’est la classe des prolétaires.

Dans le Manifeste du parti communiste, Marx et Engels soulignent le fait suivant : « [L]a bourgeoisie n’a pas seulement forgé les armes qui la mettront à mort (la grande industrie, le développement de la grande industrie – la rédaction) ; elle a produit aussi les hommes qui manieront ces armes, les ouvriers modernes, les prolétaires. »En quelques mots nous est présenté le caractère fondamental du prolétariat, ce prolétariat qui aujourd’hui ne vit qu’à condition de trouver du travail et qui n’en trouve qui si son travail sert le capital. Mais à mesure que se développe la société capitaliste, que grandit le capital, se développe aussi le prolétariat, la classe des ouvriers modernes.

L’insistance mise sur la classe ouvrière (paragraphes 16 et 17) met en lumière que la question de la production est déterminante et que la classe ouvrière en est un élément central. Rappelons que dans la société capitaliste, la division sociale du travail repose sur la structure (la base) économique, structure qui se compose de la production (des marchandises), de la distribution (qui fixe la proportion dans laquelle ceux qui produisent se répartissent), et, finalement, de la consommation qui permet de satisfaire les besoins de tous et chacun. Tous ces éléments se combinent et forment une succession de cycles qui permet à la société de se maintenir. Et bien que tous les éléments qui entrent dans un cycle soient interdépendants, c’est la production qui est déterminante puisque, comme l’indique Marx, une production déterminée déterminera une consommation, une distribution, un échange déterminés. (Contribution à la critique de l’économie politique)

Sous le capitalisme, c’est la classe ouvrière qui est au centre de la production, mais comme force subordonnée à la bourgeoisie. Toutes les richesses que recèle la société capitaliste sont produites par le prolétariat. Or, les rapports de production bourgeois sont la dernière forme antagoniste du processus social de production car les forces productives qui se développent au sein de la société bourgeoise créent en même temps les conditions matérielles pour la résolution de cet antagonisme. Ce qui veut notamment dire que la classe ouvrière peut à partir de sa position subordonnée actuelle améliorer définitivement sa condition dans la société en abolissant le système de production capitaliste et plus généralement, la propriété privée des moyens de production, en instaurant de nouveaux rapports de production correspondant pleinement au caractère collectif déjà atteint par les forces productives, en mettant fin à toute exploitation, à toute division en classes et à toutes les autres divisions sociales (par exemple entre travail intellectuel et manuel, entre dirigeants et dirigés, etc.).

Ainsi donc, le processus même de la production sociale, qui détermine la division de la population en classes, en donnant à la classe ouvrière un rôle particulier dans ce processus, détermine aussi les rôles qu’elle peut jouer dans le futur. En effet, la classe ouvrière occupe sous le capitalisme une fonction stratégique car sans l’apport de la classe ouvrière dans la production, la société bourgeoise cesserait d’exister. Mais puisque l’intérêt du prolétariat canadien est l’abolition de la société bourgeoisie et son remplacement par un type supérieur de société qu’est le socialisme puis le communisme, cela pose d’emblée la question du contrôle ouvrier sur la production. En effet, pour être possible, le passage du capitalisme au socialisme exige que la classe ouvrière détienne le contrôle réel sur les forces productives.

Pourquoi insister sur la centralité ouvrière ? Parce que la position particulière occupée par les ouvriers et ouvrières les oblige à se confronter directement aux lois objectives du capital (exploitation – valorisation du capital – concurrence entre capitaux – marchés, etc.) et à y voir les causes de leur propre exploitation et des problèmes rencontrés dans la société bourgeoise. Parce que seule la classe ouvrière peut faire fonctionner les secteurs fondamentaux (industriels) de la société capitaliste. Finalement parce qu’avec le contrôle des secteurs clés de la production, seule la classe ouvrière peut instaurer, sous le socialisme, un rapport de direction politique et économique sur l’ensemble de la production, sur la base du contrôle de la grande industrie, des moyens de communications pour une part, et sur le contrôle du pouvoir prolétarien d’autre part.

Les grands groupes

Marx et Engels définissent fondamentalement les prolétaires comme les ouvriers de l’industrie, mais aussi comme la classe exploitée du système capitaliste, soumise à l’incertitude matérielle et sans pouvoir politique. Avec la transformation des pays de l’Est et de la Chine, de nombreux sociologues bourgeois ont été amenés à se demander, après un siècle et demi de transformation de la structure productive capitaliste, et après 30 ans de reculs du monde industriel, si les prolétaires étaient toujours des ouvriers. En effet, il existe un consensus dans les sciences humaines bourgeoises à l’effet que la classe ouvrière n’est plus ce qu’elle a pu être à son apogée. Toutefois, continuent à s’opposer ceux qui estiment que les classes (particulièrement la classe ouvrière) n’existent plus comme réalité sociale et ceux pour qui les classes demeurent une réalité, mais qui auraient vu leurs frontières bouger.

L’argument d’une disparition de la classe ouvrière dans les pays capitalistes avancés a été introduit dans le but d’en réduire non seulement le poids social, mais aussi la centralité politique. Il est toutefois vrai que le développement du capitalisme, les crises économiques successives, la mondialisation, la désindustrialisation dans certains secteurs et la disparition de grands bastions ouvriers traditionnels ont eu pour effet de modifier les contours du prolétariat. Cependant, en indiquant que la classe ouvrière est le noyau du prolétariat et sa force dirigeante (paragraphes 16 et 17), on prend soin dans la section 2 de ne pas réduire l’ensemble du prolétariat à la classe ouvrière. En effet, s’il était légitime au début du 20e siècle de considérer librement le prolétariat et la classe ouvrière comme un équivalent (le même groupe de personnes), il faut au 21e siècle être plus précis dans l’analyse et considérer que le prolétariat, qui est la classe numériquement la plus grande au Canada, est composé de l’ensemble des travailleuses et travailleurs exploités, qui ne possèdent pas de moyens de production et sont forcés de vendre leur force de travail pour survivre, tandis que la classe ouvrière représente la partie des prolétaires directement engagée dans la production et produisant généralement la plus-value.

Cette distinction repose sur les rapports de production capitalistes, et non sur des caractéristiques arbitraires. De nos jours, étant donné l’évolution du capitalisme, notamment dans les pays capitalistes industrialisés, on constate que le prolétariat ne se réduit plus à sa composante ouvrière. En effet, des forces productives fortement développées amènent à une extension du capitalisme dans de nouveaux secteurs, qui bien qu’utiles pour le bon fonctionnement de la société bourgeoise, sont néanmoins improductifs (c’est-à-dire que les prolétaires qui y œuvrent ne sont pas producteurs de plus-value, bien que souvent leur activité soit socialement utile, par exemples les préposés, les infirmières, etc.).

Cette distinction est importante car elle permet de s’opposer à ceux qui croient à tort que le prolétariat serait en voie de disparition. Une analyse de classe juste, capable de saisir l’ampleur et l’hétérogénéité du prolétariat, est le fondement d’une position juste qui nous permet de réfuter les discours erronés qui sont propagés dans la société sur le prolétariat, par exemple le discours postmoderne selon lequel la classe ouvrière serait uniquement composée de cols bleus, masculins, blancs, et d’un certain âge. En effet, en montrant que le prolétariat forme une seule grande classe composée de différents grands groupes, l’analyse de classe que l’on retrouve dans le document sur les bases politiques met en lumière les dénominateurs communs du prolétariat, à savoir accomplir un travail d’exécution et être dépendant du capital détenu par la bourgeoisie. La classe ouvrière a comme particularité d’être impliquée directement dans la production de valeurs et dans la concurrence entre les fractions du capital et elle subit directement les effets des lois qui font partie de la nature du capital.

Considérant que la classe ouvrière représente 25 % des personnes ayant un revenu au pays et que le prolétariat s’est accru numériquement, on ne peut que conclure que ce que le prolétariat a perdu en homogénéité, il l’a gagné en nombre. Cela n’est en soi pas surprenant puisque dans la pratique, la division en classes n’apparaît jamais sous une forme pure, car les formes inter­médiaires et transitoires en estompent les démarcations précises. Cela dit, l’essor du travail salarié et à sa suite la progression numérique du prolétariat s’est produit sous une forme qui est venue modifier la structure de la classe ouvrière. Le prolétariat est aujourd’hui plus morcelé, les prolétaires sont plus segmentés par secteur, par tâche, etc. Le concept de « grands groupes » permet justement de mieux comprendre la complexité du prolétariat canadien et d’en tenir compte.

La notion de grands groupes permet de mettre en lumière l’ampleur du prolétariat, sa présence partout sur le territoire et dans la plupart des secteurs de l’économie capitaliste. Pour l’instant, cette vaste classe d’hommes et de femmes mène des combats dont l’objectif n’est pas d’éliminer l’exploitation, mais de l’atténuer, d’augmenter le salaire et d’améliorer les conditions de travail. Bien que limités, ces combats et d’autres à venir contribuent à unifier le prolétariat. Mais unifier le prolétariat, faire valoir l’intérêt à long terme et commun de tous les prolétaires est un problème politique qui concerne particulièrement l’avant-garde communiste.

Pour réaliser cette tâche, il faut avoir une connaissance fine du prolétariat et de l’exploitation capitaliste au Canada. Les communistes ont pour tâche de s’imprégner profondément de la réalité sociale du prolétariat pour ensuite proposer un programme de lutte révolutionnaire ancré dans la réalité. Cela commence par s’engager dans la pratique militante de mener des formes engagées d’enquêtes pour connaître les différentes facettes de la réalité sociale ouvrière et par une juste disposition des forces au sein même du prolétariat.

Annexe :

Ces dernières années, de rapides progrès technologiques ont soulevé des questions sur l’avenir du travail. Les spécialistes ont surtout axé les débats sur le risque de pertes d’emplois attribuables à l’automatisation ; ils ont été alimentés en partie par des travaux récents visant à estimer le pourcentage d’emplois qui présentent un risque élevé d’automatisation.

Certains défendent l’idée selon laquelle depuis l’avènement du 21e siècle, le monde serait entré dans l’ère numérique, qui caractériserait une nouvelle forme de capitalisme. En effet, selon certains analystes bourgeois, le capitalisme serait passé d’une période « fordiste », durant laquelle la place centrale était occupée par les activités qui visent à produire et distribuer des objets, à une période « numérique » durant laquelle produire et distribuer de l’information seraient devenues les activités principales. Prolongeant cette première idée, d’autres analystes estiment que les machines (et les technologies en général) en viendront à remplacer le travail humain en général et celui de la classe ouvrière et du prolétariat en particulier.

La fin du travail est un fantasme de patrons et d’intellectuels. Dans un célèbre rapport publié en 2013, deux économistes d’Oxford estimaient que 47 % de la totalité des emplois aux États-Unis étaient menacés (Carl Benedickt Frey et Michael Osborne, The Future of Employment: How susceptible are jobs to computarisation?). Pour certains autres analystes, le développement des plateformes numériques mènerait à la disparition du salariat et son remplacement par une foule de travailleurs indépendants, précaires et payés à la tâche. Plus encore, certains voient dans l’émergence de cette armée de travailleurs « ubérisés » une montée inéluctable d’une nouvelle classe d’individus, les précaires qui en viendraient à remplacer les prolétaires sous l’effet combiné de l’automatisation, de la délocalisation, de la production et de la désindustrialisation, de la disparition du salariat.

Fondamentalement, ces idées sont fausses, bien qu’elles contiennent une petite part de vérité. La plupart des futurologues petits-bourgeois s’attardent à l’enjeu du remplacement du travail par les machines, remplacement qui amènerait à terme à la disparition du prolétariat. Or, historiquement la technologie a plutôt eu pour effet d’augmenter les capacités productives et d’étendre la division du travail à de nouveaux domaines (prise en charge des enfants et des personnes âgées par exemple). Cela dit, le rapport entre travail humain et technologie est complexe. En effet, la technologie peut 1) remplacer le travail humain (substitution) ; 2) déqualifier-requalifier le travail humain (un type de travail disparaît pour être remplacé par un nouveau type de travail) ; 3) jouer un rôle dans l’intensification du travail ; et finalement 4) permettre un contrôle accru du travail. Encore de nos jours, les capitalistes introduisent les technologies principalement en fonction de 3 et 4.

En effet, les plus grandes des entreprises construites à partir de la forme numérique ont besoin d’une masse grandissante de salariés. Par exemple Amazon, qui pour opérer doit ouvrir de vastes complexes d’entrepôts un peu partout dans le monde.

Cela fait longtemps que la bourgeoisie rêve d’usines qui seraient complètement automatisées, des usines dans lesquelles les travailleurs ne sont jamais malades, ne demandent pas de meilleurs salaires et ne font jamais la grève. L’idée est de nos jours reprise et serait à portée de mains grâce à l’intelligence artificielle. L’exemple le plus souvent cité étant l’usine de Tesla de Fremont (en Californie), où est assemblé le modèle 3. Or,même Tesla a dû faire marche arrière de sorte que ce sont présentement des milliers d’ouvriers et ouvrières qui œuvrent dans ses installations.

Regardons les choses directement. L’objectif du capitaliste est la réalisation du profit. Marx démontre que ce profit est tiré de la production de survaleur par les travailleurs employés par le capital. En effet, alors que les moyens de production (les machines) se limitent à « fondre » leur valeur à la marchandise produite, seule la force de travail fournie par les travailleurs peut engendrer une valeur supplémentaire. Cela est rendu possible parce que le travailleur fournit un surtravail. Le développement du capitalisme entraîne le développement des forces productives et l’introduction toujours plus importante de machines toujours plus efficientes dans le but d’augmenter la productivité des travailleurs et travailleuses. L’effet immédiat est qu’il y a une diminution relative des travailleurs et des travailleuses employés, c’est-à-dire que la part dédiée au travail augmente mais elle représente un poids moins important dans les dépenses du capital par rapport aux dépenses dédiées aux machines. Plus encore, si l’on considère la société prise dans son entier, le nombre de travailleurs et travailleuses augmente. En effet, l’augmentation de la productivité permet le développement de secteurs nouveaux ou, comme le dit Marx : « L’emploi des machines pousse la division sociale du travail à un point […] ; des branches de production absolument nouvelles et par conséquent de nouveaux champs de travail surgissent, soit par l’introduction directe de machines, ou bien par la révolution industrielle qu’elle engendre et qui s’étend partout. » (Le Capital, Livre 1, chap. XV)

Autrement dit, les nouvelles technologies n’entraînent pas nécessairement de pertes importantes, puisque l’automatisation est introduite par la bourgeoisie pour remplacer des tâches effectuées par des personnes dans le but d’accroître la productivité (et par le fait même le degré d’exploitation) des travailleurs et travailleuses.

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Les 10 grands groupes du prolétariat

(Extrait du journal ISKRA, été 2019)

Il y a 5 622 000 prolétaires au Québec, soit 67 % des 8 390 000 personnes qui y habitent. Sur cette population totale, 4 255 550 personnes âgées de 15 ans et plus sont considérées comme « actives », toutes classes sociales confondues. Par « actives », il est entendu que ce sont des personnes en emploi ou activement à la recherche d’un emploi. Sur ce nombre, on recense 2 801 860 prolétaires actifs qui sont dispersés dans des centaines d’emplois différents sur le territoire. Ce sont ces 2 801 860 prolétaires actifs, en plus des 1 600 000 prolétaires inactifs âgés de 15 ans et plus, qui composent ce que nous appelons les 10 grands groupes du prolétariat. Ces grands groupes représentent donc l’ensemble des travailleurs et des travailleuses au Québec qui, chaque jour, extraient, transforment, fabriquent, assemblent, construisent, entreposent, transportent et vendent la totalité des richesses contenues dans la société.

La notion de grands groupes permet de cerner le prolétariat à la fois dans sa diversité et dans son unité. Bien que les travailleurs qui composent les grands groupes aient des fonctions, des tâches ainsi que des conditions de travail et d’existence différentes, ils sont tous reliés : ils participent au même procès social de travail qui fait fonctionner la société telle que nous la connaissons. Chacun des 10 grands groupes du prolétariat réalise un segment distinct de ce procès de travail. Le concept de grands groupes permet donc de saisir ce procès dans sa totalité et de le décortiquer afin d’en comprendre le fonctionnement. Bref, cette notion englobe la somme de travail effectuée sur le territoire québécois et permet de comprendre l’exploitation du prolétariat sous toutes ses coutures. Malgré leurs différences, les 10 grands groupes forment une grande classe sociale unique qui partage un intérêt commun : la prise du pouvoir et l’édification du socialisme.

1. Prolétaires « inactifs » [1 600 000]

Les prolétaires inactifs ne sont pas présents sur le marché du travail. On y retrouve les retraités prolétariens, les femmes et les hommes du prolétariat au foyer, les personnes de 15 ans et plus sans emploi qui dépendent d’un ménage prolétarien ainsi que les assistés sociaux. Bien qu’ils ne participent pas activement au procès de travail, ils forment une composante importante et nécessaire du prolétariat. Une bonne partie des inactifs sont des retraités (817 000) qui ont quitté le procès de travail après y avoir participé toute leur vie. Dans un ménage, un membre peut être inactif pour s’occuper des enfants, des personnes handicapées, des malades ou des vieillards. Quant aux assistés sociaux (300 000), plusieurs d’entre eux ne sont pas suffisamment fonctionnels pour être rentables économiquement sous le capitalisme et pour obtenir un salaire. Que ce soit à travers le versement des pensions de retraites, le partage d’un salaire ou le versement du « bien-être social », ce groupe reçoit, pour survivre, une partie de la valeur créée par le prolétariat. Ce partage est nécessaire pour faire vivre l’ensemble du prolétariat avec ses retraités, ses familles, ses inaptes, etc.

2. Prolétaires « hors lois » [40 000]

Les prolétaires « hors lois » sont les travailleurs qui n’ont pas accès aux normes minimales du travail. On y retrouve les travailleurs au noir, payés dans bien des cas en dessous du salaire minimum. Ce travail au noir peut être réalisé à domicile, dans des services rendus comme la distribution et l’entretien paysager, ou encore dans des lieux de travail « officiels » comme des garages ou des entrepôts, lesquels engagent souvent une main-œuvre mixte composée de légaux et de « hors-lois ». On retrouve aussi, dans ce grand groupe, les travailleurs sans statut qui ne sont ni au chômage, ni sur l’aide sociale et qui n’apparaissent pas dans les statistiques officielles. Bien qu’exécutant des tâches qui sont aussi réalisées « légalement » par les prolétaires d’autres grands groupes, les prolétaires « hors lois » sont à distinguer des autres en raison des conditions dans lesquelles ils travaillent. L’existence de ce grand groupe témoigne de la facilité avec laquelle le capitalisme outrepasse les normes minimales du travail ; elle rappelle le combat historique pour l’amélioration des conditions d’existence et de travail du prolétariat dans son ensemble. Et ce combat est toujours d’actualité.

3. Manœuvres et journaliers [200 000]

Les manœuvres et journaliers sont des prolétaires sans formation particulière œuvrant dans la production. On retrouve, dans ce groupe, les manutentionnaires, les commis d’entrepôt, les débardeurs, les préposés à la production et les ouvriers agricoles. Cette main-d’œuvre est présente à tous les points de jonction dans la production, de l’extraction au transport, en passant par la fabrication et l’entreposage. Elle opère une réalisation simple, souvent en déplaçant les marchandises, en récoltant à main nue ou encore en préparant la matière qui sera transformée et assemblée dans la production. Une partie importante du déplacement des marchandises est opérée à bout de bras ou à l’aide de transpalettes. On retrouve aussi, dans ce groupe, les travailleurs utilisant des chariots élévateurs ainsi que d’autres dispositifs mécaniques permettant d’économiser l’espace d’entreposage. Le déplacement de marchandises constitue souvent l’essentiel du travail des manœuvres et des journaliers. Il est parfois accompagné de tournées sur les différentes stations de travail pour alléger le fardeau de tâches des autres travailleurs. Leur tâche peut aussi consister en un travail de préparation pour accélérer la production.

4. Opérateurs et ouvriers spécialisés (OS) [300 000]

Les opérateurs et les ouvriers spécialisés sont des prolétaires œuvrant dans la production qui sont confinés à une seule tâche, qui opèrent une machine du matin au soir, ou encore qui occupent un poste spécialisé sur une chaîne de montage. En général, ils n’ont aucune formation particulière autre que la maîtrise de la machine à opérer. Ce grand groupe est présent dans l’extraction, la transformation et la fabrication. On y retrouve des opérateurs de machines œuvrant dans des industries telles que la métallurgie, les produits chimiques, les pâtes et papiers, le textile, le plastique, l’emballage ou encore l’alimentation. Aussi, les ouvriers spécialisés se consacrent parfois à l’assemblage sur des chaînes de montage variées, allant de la fabrication de matériel électronique à la fabrication d’automobiles. D’autres ont des tâches spécialisées comme celle de contrôler et de vérifier la qualité d’un produit fini à l’issue d’une opération ou d’une chaîne de montage. Globalement, ce grand groupe est celui qui est lié le plus directement aux machines, ces moyens de production collectifs permettant une productivité décuplée. En cela, les opérateurs et les OS représentent déjà une base matérielle à la réalisation du socialisme.

5. Employés d’exécution [1 050 000]

Le terme exécution fait ici référence au fait que ces prolétaires exécutent ce qu’on leur dit de faire pendant leur quart de travail. Les employés d’exécution sont présents dans la restauration, la vente, le commerce, l’entretien ménager, l’hôtellerie, le transport, l’entreposage, etc. Ce sont, par exemple, les commis dans les magasins, les épiceries, les pharmacies et les autres commerces. Une grande partie du travail réalisé par les employés d’exécution est liée à l’écoulement cyclique des marchandises provenant de la sphère de la production. On retrouve donc, dans ce groupe, les caissières, les vendeurs, les garnisseurs de tablettes, les pompistes, les téléphonistes, les représentants des ventes, et tout le personnel de soutien des ventes et du service à la clientèle. Le travail d’exécution prend aussi la forme de services « privés ». Ceux-ci demandent souvent une certaine qualification, comme dans le cas des coiffeuses et des esthéticiennes. Certains exécutent d’autres types de tâches, comme par exemple les portiers, les femmes de chambre, les serveuses, les plongeurs, les commis de bureau, etc.

6. Employés dans les services publics [195 000]

Les employés dans les services publics sont les prolétaires travaillant dans le système public (hôpitaux, centres d’hébergement, centres de jour, transports en commun, appareil d’État, etc.) ainsi que dans les principales utilités publiques (Hydro-Québec, Énergir, etc.). Bien que ces travailleurs s’adonnent à un travail d’exécution, leur réalité est différente de celle des autres employés d’exécution, tant sur le plan des conditions de travail qu’au niveau de l’organisation syndicale. Dans l’histoire du Québec, les employés dans les services publics ont eu une activité syndicale particulièrement forte. On retrouve, dans ce grand groupe, les travailleurs des établissements de santé tels que les préposées aux bénéficiaires, les infirmières auxiliaires, le personnel d’entretien, les employés de cuisine, etc. On y retrouve également les employés d’exécution dans les écoles et dans les centres de la petite enfance tels que les concierges, les cuisiniers, les assistantes, etc. On peut aussi compter parmi eux les gardiens de parc, les employés de la Sépaq, les employés du triage dans les postes, certains éboueurs et déneigeurs, les réceptionnistes, les agentes administratives et bien d’autres employés de la fonction publique.

7. Ouvriers qualifiés dans les services publics [10 000]

Les ouvriers qualifiés dans les services publics possèdent une qualification particulière en plus d’exercer un emploi exigeant leur force physique et leur dextérité. Ce sont des travailleurs manuels qui possèdent un métier pouvant être lié à un autre grand groupe d’ouvriers qualifiés comme celui de la production ou encore celui de la construction. Ce qui les distingue, c’est qu’ils sont tout simplement engagés dans la fonction publique. Par conséquent, ils bénéficient de conditions de travail souvent meilleures que les ouvriers qualifiés qui œuvrent dans le même domaine, mais dans le privé (échelles salariales, stabilité et sécurité d’emploi, régimes de retraite, vacances et fériés payés, horaires fixes, etc.). Le plus souvent, ils travaillent dans l’entretien et la réparation des routes, des aqueducs, des centres d’épuration des eaux, des piscines publiques, des centres municipaux de loisirs, des centres de santé et de services sociaux, des centres d’hébergement de soins de longue durée, des hôpitaux, des commissions scolaires, des écoles publiques, des parcs, etc. Ils participent aussi à la mise en place de nouvelles utilités publiques comme le font, par exemple, les monteurs de lignes pour le transport de l’électricité.

8. Ouvriers qualifiés dans la construction [130 000]

Les ouvriers qualifiés dans la construction sont les prolétaires qui érigent des bâtiments et des infrastructures grâce à un savoir-faire qu’on appelle un métier ou encore une occupation. Chacun de ces métiers nécessite une formation dans une école de métier et un entraînement parachevé au moyen d’une expérience pratique et prolongée de travail. Les ouvriers qualifiés dans la construction construisent des édifices résidentiels, commerciaux et industriels, en plus de réaliser les projets de génie civil. Les briqueteurs-maçons, les charpentiers-menuisiers, les ferrailleurs, les grutiers, les électriciens, les plombiers, les plâtriers, les couvreurs, et plus encore, font partie de ce groupe. Ils bâtissent les endroits où le prolétariat vit et reproduit sa force de travail. Ils bâtissent aussi les lieux où l’on produit et où l’on écoule les marchandises de même que les routes et les chemins de fer sur lesquels on les transporte, et ce, en plus des lieux qui hébergent les services publics et privés. Les ouvriers qualifiés dans la construction ont été présents dans de nombreux combats dans l’histoire du Québec et du Canada, tout comme ils ont eu un rôle actif dans la syndicalisation.

9. Ouvriers qualifiés dans la production [140 000]

Que ce soit dans les secteurs de l’extraction, de la fabrication, de la transformation ou de l’assemblage, il existe un nombre important de machines, de moteurs et d’appareils en tout genre requérant un savoir-faire supérieur à celui des ouvriers spécialisés pour être programmés, opérés, entretenus en permanence et réparés de manière ponctuelle. Les ouvriers qualifiés dans la production sont des ouvriers de métier comme les machinistes, présents dans divers domaines industriels (automobiles, aéronefs, plastique, etc.), ou encore les tôliers et les chaudronniers dans l’industrie métallurgique. Une bonne partie des ouvriers qualifiés dans la production sont aussi des mécaniciens, des électromécaniciens, des soudeurs et des outilleurs-ajusteurs qui prennent en charge l’installation et le bon fonctionnement des moyens de production. Ces ouvriers s’occupent des mécanismes de chaînes de montage dans les usines, des systèmes de réfrigération dans les entrepôts, et de tout autre équipement industriel. Dans ce grand groupe, figurent aussi les ouvriers qualifiés œuvrant dans le transport et la circulation des marchandises comme le sont les conducteurs et les réparateurs d’équipement lourd, de locomotives et de semi-remorques.

10. Techniciens dans la production et les services publics [755 000]

On entend par technicien un prolétaire dont la fonction principale réside dans l’application d’une technique ou d’un ensemble de techniques découlant de diverses sciences. Ces techniques peuvent consister à utiliser des procédés industriels et d’ingénierie, à administrer des soins, à utiliser du matériel médical, ou encore à se servir de logiciels et de réseaux informatiques. Les techniciens sont présents dans les secteurs que sont les sciences naturelles et appliquées (la plupart du temps liées à la production), la santé (hygiénistes dentaires, infirmières, inhalothérapeutes, ambulanciers, etc.) et les services sociaux, éducatifs et juridiques (enseignants au primaire et au secondaire, éducatrices à l’enfance, éducateurs spécialisés, techniciens juridiques, etc.). Bien qu’ils aient une formation collégiale, et même parfois une formation universitaire, ils demeurent des travailleurs salariés ne possédant pas leurs propres moyens de production et n’ayant pas un rôle de direction dans le procès de travail. Dans la production, les techniciens sont souvent sous la direction d’ingénieurs. Ce dernier grand groupe représente le dernier segment de la division sociale du travail, soit la dernière fonction dans le procès de production.